Pas d'introduction : gros plan instantané au cœur de la machinerie et de sa respiration, ses grincements, ses propres motifs rythmiques. '2641998' est un morceau de bravoure, un vrai, comme le final 'Nuane' du Chiastic Slide d'Autechre ; dans sa version urbaine Tokyoïte (j'aurai presque envie de parler d'Akira, si cette référence n'était pas totalement lisse tant elle a été usée) et démesurément longue. On est bel et bien au cœur de ce qu'Alec Empire fait de mieux : fermer sa gueule, d'une part ; mais surtout laisser ses idées se construire et se démanteler au gré des rythmes, des saturations (délicieuse montée sur la cinquième minute) elles-mêmes posées sur des lignes de basse en escalier qu'on imagine parfaite comme tapis pour une collaboration avec Merzbow – non, rien. Bref, une architecture industrielle dub-technoïde tout sauf esthétisante, au squelette rythmique increvable qui se termine sur un impressionnant -quoique possiblement long- quart d'heure de paysage sonore abstrait et inquiétant dont les gazouillis analogiques rappellent une fois de plus les moments les plus stressants d'Autechre dans une version encore moins amène. On prend un bol d'air et l'on passe aux autres titres, parfois réminiscents d'Aphex Twin sur son second volume de musiques irréelles Selected Ambient Works, mais toujours avec cette chaleur terre-à-terre des emblématiques machines analogiques et un usage du rythme lourd et fragmenté tel sur 'Vault Things of the Night' qui trouvera son apothéose sur son Live in London, sorti dans la foulée. On pense aussi aux travaux expérimentaux sortis sur le label Mille Plateaux tels "Low on Ice", couplés avec un peu d'électronique très dépouillée ('Two Turntables and a Moog') voire en ligne droite avec Kraftwerk comme sur 'Electronic Body Rock' qu'on croirait muté à partir de sessions de Radioactivity (Radioactivity... muté... rions un brin) dans une nouvelle forme plus virile. Et si vous n'avez pas eu assez du premier morceau, on vous en remet une larme en guise de final. Certes, tout cela est un peu déroutant et toujours, comme chez Empire, agencé dieu sait comment ; mais chaque titre en soi recèle de nombreux moments d'une grande beauté sale qui se suffisent à eux-même. 4,5/6