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Ramesh Mishra › Raga Jog/Raga Mishra Shivaranjani/Raga Mishra Khamaj

cd • 5 titres • 78:19 min

  • Raga Jog
  • 1Alap9:32
  • 2Vilambit Gat in Ektal26;58
  • 3Drut Gat in Tintal11:40
  • Raga Mishra Shivaranjani
  • 4Thumri in Sitarkhani Tal21:15
  • Raga Mishra Khamaj
  • 5Bhajan in Sitarkhani Tal7:50

informations

19 février 1994, Master Sound Astoria (NYC). Ingénieur du son : David Merill.

line up

Ramesh Mishra (sarangi), Samir Chaterjee (tabla)

chronique

  • hindoustanie>vârânasi raga

C’est curieux... L’histoire des cours et des convenances ; des plaisirs et des instruments ; l’imbrication, la lutte des techniques et des lieux, les espaces et les chants qui veulent y retentir, y faire écho, s’y fondre en ombres ou en rumeur, y surgir en étincelles ou s'y faire parole ; le jeu des ornements, distinctions et disgrâces... Les concordances et les hiatus, les morales changeantes au fil des règnes et des ères... Tout ce qu’ils entrainent, ces épisodes et ces modalités, dans leurs chutes et rebuffades, zéniths et désuétudes : de destins basculés, dédains longs ou subits pour ce qui faisait socle ; sursauts de fierté soudains qui fondent des lignées qu’on croirait immortelles ; flambées d’amours tout à coup ravivées, au moment ou l’époque les condamnait le plus... Le sarangi, vielle aux cordes innombrables (trente cinq, en fait, dont quatorze dites ‘sympathiques’ - c’est à dire que l’instrumentiste ne frotte pas mais qui résonnent à vide, à certaines fréquences de leurs sœurs pincées, produisant des harmoniques qui enrichissent le jeu) est une machine complexe. Une lutherie délicate, suprêmement précise ; sujette aux dérèglements, aussi, sensible à l‘extrême aux changements climatiques : variations de chaleur ou bien d’hygrométrie. Sa voix - au point du trouble - fait miroir aux nôtres humaines : en l’infinie plasticité de ses timbres, aux mouvements alternés d’un archet qui fait souffle, aux lignes effilées, étirées ou si pleines, aux courbes et brisures qu’elle vibre et qu’elle imprime aux airs où elle se loge. Les doigts pressent le métal à sa table - non de leur pulpe charnue mais aux fines cuticules, au dos des dernières phalanges, sur la face où la peau est au plus près des os. Ses cordes, dit-on, creusent à force, aux ongles, des sillons. Longtemps, il fut celui qui chantait pour la danse : celle des courtisanes qui charmaient les palais. Et pour cela, longtemps aimé, adulé, privilège ; et pour ceci, ensuite - au temps, aussi, de l’indépendance et des nouvelles droitures - décrié, déclaré vulgaire, mauvaises mœurs. Et chanteurs et chanteuses - jaloux ou impatients de sa délicatesse, du soin qui se prenait pour enfin l'ajuster, de cette richesse d’expression qui leur faisait concurrence - de se joindre souvent au concert d’anathèmes. Et le cinéma - qui depuis longtemps gagnait toutes classes et castes - de s’emparer pour son drame, de ce formidable outil : pour énoncer, clamer sa tragédie, pour souligner les grands élans des âmes. Et bien plus tard... Voici Ramesh Mishra. Novateur, inventeur de doigtés qui par jeux de transpositions permettent d’écourter, avant le récital, les longues séances d’accordage qui avaient un moment dégoûté public et vocalistes de goûter à ces charmes. Virtuose d’un instrument revenu en grâce, de nouveau triomphant aux scènes prestigieuses. Élève, entre autres, d’un certain Ravi Shankar, tout autant révéré - au pays comme dehors - pour un savoir, une manière qui brillaient en son jeune temps - que conspué, ensuite, pour d’autres expériences. Mishra qui, lui aussi, s’est mêlé bien souvent aux grands mélanges instantanés concoctés à Bollywood, prêtant même ses cordes au célébrissime A.R. Rahman (compositeur omniprésent là-bas, aussi bien pour les films hindi que tamouls, responsable d’un nombre ahurissant de bandes-originales...) pour quelques longs-métrages aux écrans innombrables. Alors forcément, on appréhende un peu. On ne sait à quoi s’attendre. On craindrait facilement un dévoiement de tradition, une flamboyance par trop superficielle, quelques facilités qui gâteraient la partie. Et pourtant. C'est ailleurs - s'il faut qu'il en soit un - que se situe l'obstacle, l'écueil éventuel à notre entendement, à l'épanouissement du plaisir de l'écoute. C'est que Mishra - non contre toute attente mais en dépit de tous trompeurs indices - choisit en ouverture un raga très ancien, imposant, aux contours sobres, presque austères, aux tons graves et comptés en leurs gammes qui diffèrent aux montées et retombées. L'un de ceux qui se prêtent aux aspirations célestes du Dhrupad, genre dont l'exigence bannit toute frivolité, tout éclat qui ne serait que mondain étalage : de savoir-faire, de vélocité vaine. D'où cette ampleur particulière, peut-être, dans l'âlap (exposition soliste des notes du raga, en l'absence du tabla), qui passerait pour alanguissement ne serait la profondeur que tracent les longs traits ; d'où ces retours, détours et alternances, ensuite, dans le vilambit (mouvement lent, où le tabla fait son entrée) autours des noyaux, des centres vitaux de la composition : tour à tour strophes lentes, déroulées, variées en leurs fins proprement murmurées ; puis, au point médian, jetés presque haletés à mesure qu'avance la composition, la performance, que se déploie la substance en formes développées ; l'un, l'autre, tour à tour ; les doigts du musicien ornant en harmoniques limpides, en gouttes de lumières (jouées avec les doigts sans l'archet, sur les cordes sympathiques) les courtes suspensions où respire la pièces ; alors, ce qui, d'abord, avait pu nous sembler des fragments ressassés nous apparaît dans la grandeur, l'harmonie vive des proportions, qui se développent, s'épanouissent, s'emparent de nos attentions ; l'incandescente tendresse, l'amour palpable de ce qui se loue, aux longs glissés qu'on avait cru d'abord pratiquement immobiles ; l'enivrement de joie aux poussées redoublées - qu'on avait pris au début pour de la dureté - à mesure qu'approche le changement de cycle, l'acmé qui s'articule et que l'on nomme Drut (mouvement rapide, ici sur une autre métrique, nettement marquée par la percussion). Et celui-ci, encore, nous redit sans cesse en vers sans mots sa substance, sans emballement de frénésie, en refrains et nuances aux entrelacs qui se resserrent, de plus en plus jusqu'au faite de la culmination ; l'instant, peut-être, où l'on saisit enfin pleinement l'encan, la mesure de l'envolée, une fois qu'à sa hauteur survient le court silence. Deux pièces suivent - comme il est de coutume - au temps moins longuement compté. Est-ce par contraste ? Il semble qu'au thumri qui suit - genre plus léger, du moins plus charnel dans son inspiration -, le tempérament du virtuose - qu'on avait pourtant soupçonné par avance, en se fourvoyant bien, de manquer de sérieux - fasse moins flamme, tourne sans la toucher vraiment au contours de sa perfection, les effleure sans que nos sens parviennent à vraiment l'embrasser. Comme si, par accès très brefs mais très sensibles, une tentation contemplative gagnait l'interprète, qui perdrait par instant l'objet tactile de son chant. Oh, certes, en laps à peine perceptibles ! Mais c'est assez, parfois, pour que l'enchantement se voile et se délite où on le voudrait plein... Alors survient l'ultime chant, qui clôt le cercle du concert intime. Un chant de nouveau grave mais serein, brève louange au plus parfait pèlerin ; qui plus est, nous dit-on, celui qui fut le favoris du Mahatma Ghandi (qui ne l'oublions pas fut et demeure pour nombre d'Indiens la vive incarnation des plus hautes vertus). Et dans cette courte laude, aux sinuosités qui jamais, cette fois, n'excèdent la mesure de l'instant en mouvement, dans ces variations aux temps plus resserrés, à l'allure immédiate, se rallume sans défaut la voix de l'instrument : qui lors qu'elle dit déborde tout récit, toute histoire, tout ce qui figerait son courant. Et dans ce sobre emportement sourde encore la substance animée de celui qui se tient là, qui fait sonner l'objet. Et l'on sait de nouveau - où qu'ai pu poindre le doute - qu'on dit celui-ci grand sans qu'advienne flatterie

note       Publiée le dimanche 27 février 2011

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    CeluiDuDehors Envoyez un message privé àCeluiDuDehors

    Performance interessante, une belle sonorite, trois ragas bien differents qui montrent l'etendue de sa technique. Meme constat sur certains flottements ici et la, certaines "phrases" presque maladroites ou repetees de maniere trop similaire pour etre interessantes sur les parties lentes. Pour justifier ma note tout de meme: manque de versatilite. Excellent accompagnement au tabla soit dit en passant!

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