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Stevie Wonder › Songs in the key of life

  • 1976 • Tamla Motown 2C 168-97.900/1, 2 C 168-97900/1 • 3 LP 33 tours

lp • 21 titres • 103:23 min

  • face a
  • 1Love's In Need Of Love Today 7:05
  • 2Have A Talk With God 2:42
  • 3Village Ghetto Land 3:25
  • 4Contusion 3:45
  • 5Sir Duke 3:52
  • face b
  • 6I Wish 4:12
  • 7Knocks Me Off My Feet 3:35
  • 8Pastime Paradise 3:20
  • 9Summer Soft 4:16
  • 10Ordinary Pain 6:22
  • face c
  • 11Isn't She Lovely 6:33
  • 12Joy Inside My Tears 6:29
  • 13Black Man 8:29
  • face d
  • 14Ngiculela - Es Una Historia - I Am Singing 3:48
  • 15If It's Magic 3:11
  • 16As 7:07
  • 17Another Star 8:19
  • A Something's Extra (45 tours bonus)
  • 18Saturn 5:54
  • 19Ebony Eyes 4:10
  • 20All Day Sucker 5:06
  • 21Easy Goin' Evening (My Mama's Call) 3:58

informations

Enregistré en 1975-1976 aux Crystal Sound Studios (Hollywood, California) et The Hit Factory (New York)

le 45tours bonus "a something's extra", d'une durée de 18 minutes, a été ajouté à la fin de de toutes les versions CD de l'album (qui sont doubles).

line up

George Benson (guitare, chant), Jim Horn (saxophone), Peter « Sneaky Pete » Kleinow (pedal steel), Stevie Wonder, Nathan Watts (basse), Raymond Pounds (batterie), Michael Sembello (guitare lead), Ben Bridges (guitare rythmique), Greg Phillinganes (claviers), Ronnie Foster (orgue), Dean Parks (guitare), W.G. "Snuffy" Walden (guitare), Buzz Feiten (guitare), Dorothy Ashby (harpe), Bobby Humphrey (flute), Gary Olazabal (basse), etc (+de 100 musiciens)...

Musiciens additionnels : Herbie Hancock (claviers sur "as")

chronique

Enfin, Stevie Wonder prend son temps. Mais ce ne sera pas en vain. La Motown lui a aligné treize millions de dollars pour ses sept prochains disques (les doubles valant deux), plus vingt pour cent sur les ventes, plus un droit de veto sur un éventuel changement de direction au sein de la célèbre maison de disques de Detroit, grâce à laquelle, enfin, "l'argent des blancs va aux noirs" (Malcolm Cecil). Stevie (24 ans aux prunes) peut donc voir venir. Il prend également la sage décision de virer le duo de co-producteurs Malcolm Cecil et Robert Margouleff, qui a tant fait pour créer le son si particulier de ses albums depuis "Music of my mind", mais qui menaçait de l'installer dans une routine un peu trop tranquille. Vous avez-vu le nombre le nombre de musiciens sur "Songs in the key of life" ? (Wonderlove ! Mais pas que.) Et les remerciements ? (Qui vont de David Bowie à Frank Zappa.) Et la durée de l'album ? Stevie était encore si plein d'inspiration qu'une double galette (restée double en CD !) ne lui suffisait pas ; à l'époque, il fallut en adjoindre une troisième pour les quatre derniers titres ! Un triple vinyle gorgé de chansons qui tuent, magnifiquement produites (à ce propos, la remasterisation CD de 2000 est vraiment impressionnante, je n'ai jamais entendu mieux dans le genre !) et interprétées, qui écoeureront des générations de chanteurs/compositeurs de soul/funk/rap/rock à venir (mais je suis sûr que mon éminent collègue vous en parlera mieux que moi). Et même si "Songs in the key of life" est plus décousu, moins parfait que "Music of my mind" et "Innervisions", comportant quelques titres moyens, il n'en demeure pas moins le troisième chef-d'oeuvre de Stevie Wonder. Et ce son... Je ne m'y attarderai pas plus que de raison, mais je n'ai jamais entendu une section de cuivres sonner aussi clair et avec autant de punch ; pareil pour la guitare électrique de Mike Sembello sur "Contusion", par exemple. La minutie de Stevie concernant la production et le mixage a retardé la sortie de ce disque de plus d'un an. On comprend pourquoi. Un son aussi parfait est tout simplement inhumain. Bien sûr, le disque est sans doute trop long, non pas à cause des titres les plus longs (on aimerait que "As", "Another star", "Black man" ou "Isn't she lovely" durent plus longtemps encore) mais à cause de quelques morceaux simplement moyens ("Knocks me off my feet", une jolie ballade, sans plus, "Ngiculela...", "If it's magic" et son solo de harpe, qui peuvent simplement être vus comme une transition vers la tuerie qui suit) et puis Stevie commet l'erreur de faire débuter les hostilités (humour) par deux chansons un peu trop sages. "Love's in need of love today", très smooth, n'est pas le commencement idéal, même si son prêche et son choeur très gospels s'avèrent agréables (on finit par l'aimer, ce "Good morn or evening friends...") - c'est une entrée, sommes toutes, dans cette cathédrale qu'est "Songs in the key of life" ; et "Have a talk with God" souffre également de cette langueur midtempo - les sons de synthé cependant (plus ce satané harmonica) installent une chaleur bienvenue. Mais la suite, mes aïeux, la suite... "Village ghetto land" est un coup de génie : un seul instrument sur cette chanson, le nouveau (à l'époque) synthé polyphonique Yamaha GX-1, la "dream machine" que Stevie utilise pour émuler un orchestre entier, et produire sur ce morceau une ambiance idyllique, très "village dans les nuages". Sur cette bande-son radieuse et naïve, Stevie décrit le cauchemar urbain vécu au quotidien par les habitants de tous les ghettos du monde, des trucs comme : killing plagues the citizen, children play with rusted cars, families buying dog food now... Effet de contraste réellement saisissant. Il est intéressant de noter que, sur les trois premiers titres, Stevie tient tous les instruments. Mais l'artillerie lourde est enfin convoquée sur l'instrumental (c'est nouveau, ça) et très funky "Contusion", et ça fait très mal. Cette bombe reçoit notamment la contribution fantastique du fidèle guitariste Mike Sembello, et du bassiste de Wonderlove Nathan Watts. La section de cuivres sur l'irrésistible "Sir Duke" (hommage à Duke Ellington) résonne d'une dynamique inouïe. "I wish" est devenu un standard de la pop, de même que le sublime "Summer soft", où le cycle des saisons toujours recommencé commente le départ de l'être aimé (l'orgue !) "Race relations, consolation, segregation, dispensation, isolation, mutilation, mutation, miscreation, confirmation..." "Pastime paradise", maintes fois reprise (y compris par Coolio en "Gangsta's paradise"), gagne vraiment à être (re-)découverte dans sa version originale : sons de synthés épanouis (GX-1, encore une fois) qui se colorent progressivement de choeurs orientaux (Hare Krishna) - le tout produisant un son captivant. "Ordinary pain", qui conclut le premier disque, est une chanson à tiroirs dont Stevie est coutumier ; Shirley Brewer, avec choeurs, en seconde partie, lui donne une réplique foudroyante. La tuerie continue avec la rengaine pop merveilleuse de "Isn't she lovely" (hommage à sa fille), le mellow "Joy inside my tears", grand programme de Stevie accompli largement, le funk revendicatif éclatant de "Black man", où enfants et enseignants rivalisent d'énergie pour faire passer le message. Ça fait bizarre de commenter ce disque : difficile de convaincre un lecteur... Est-ce donc possible de ne pas le connaître ? De ne pas l'aimer ? "As" et "Another star" sont des dopants tout ce qu'il y a de plus légal, portés par une énergie et une foi inégalées. La longueur de ces deux classiques renforce ce côté enivrant, quasi-hypnotique, cette intensité épuisante qui ne retombe jamais. J'adore également la naïveté pop revendiquée de "Saturn". Oui, les synthés et l'amour de Stevie viennent bien d'une autre planète. "Ebony eyes" et "All day sucker" sont des moments enchanteurs de soul/pop - et il est vraiment temps que cette chronique se termine car je ne trouve plus les mots. La conclusion du troisième (et dernier) disque : un instrumental, merveilleux solo d'harmonica sur matelas de synthés et basse pneumatique, musique de repos, d'abandon, qu'on aimerait entendre en sirotant une bière sur le porche de sa maison, à la campagne, décontracté du gland, et dont on jouit jusqu'au dernier coup de cymbale ride. Ce disque, par sa richesse et sa profusion, est un peu à la soul ce que "Escalator over the hill" de Carla Bley est au jazz. Il y a comme un trop plein, un trop plein d'inspiration, de génie, à tel point qu'on ne peut y rester insensible, on ne peut qu'être englouti. Le concept de base était bien vaseux : un album pour toucher à tous les éléments de la vie (au moins, celui de "Journey through the secret life of plants" sera plus resserré) mais si cet album ne touche pas son but, s'il n'aborde pas tous les aspects de la vie, il atteint un autre but : il REDONNE vie.

note       Publiée le mardi 25 janvier 2011

chronique

“Wow, que ne voilà un best-of bien rempli” se dit l’auditeur moyen à la première écoute de ce Songs in the key of life… Et on peut le comprendre. Bien que chaque album de la période dorée de Stevie Wonder comporte son lot de tubes, ici, c’est chaque morceau qui est fait de ce bois dont on fait les mélodies inoubliables. Songs in the key of life est une œuvre qui vous suivra toute votre vie, la sauvera même, à l’occasion, et ne perdra jamais de son éclat, que vous l’écoutiez en boucle ou le laissiez reposer pendant 15 ans. Croire que seul cet album suffit à résumer Stevie Wonder serait une erreur ; en revanche, on est en droit de penser qu’il s’agit d’un condensé de toute la pop music noire, un sommet absolu vers lequel tout converge : soul, funk, disco, hip-hop, influences brésiliennes… Écoutez I Wish, par example : tout est là. Mais en réalité, tout le génie de cet album tient justement à comment Wonder nous amène à I Wish, comment cet aspect "best of" est transcendé et dépassé par des transitions et un séquençage des morceaux à couper le souffle. Wonder se présente d’abord, courtoisement et pieusement, tel un prospecteur religieux en costume 3-pièces sur votre perron (Love’s In Need Of Love Today) : une entrée en matière modeste et luxueuse à la fois, qui annonce une progression patiemment mise en place : Have A Talk With God fait jaillir synthés et bruits robotiques (ce Dieu là n’ignore ni les plaisirs de la chair ni le P-Funk), avant un Village Ghetto Land entre constat apaisé et requiem futuriste. A partir de là, comme pour contraster avec cette lente et méditative mise en bouche, le funk peut commencer. Contusion – que Wonder étirait souvent à 10 minutes sur scène – a bluffé plus d’un musicien. Sir Duke est un ovni, un manifeste exalté qui laisse toute retenue, toute limite au placard. "Music is a world within itself" : voilà bien un morceau dont il n’y a rien à retirer, qui semble émaner en un seul souffle divin de son créateur, comme si une sorte de valve s’était ouverte en lui, laissant s’échapper des notes incroyables et moqueuses dans leur splendeur, tandis qu’il rit en fond comme un génie sorti de sa lampe. C’est comme cela qu’on se retrouve sur le groove matelassé comme une coupe afro de I Wish… A partir de là, croyez-moi, Wonder peut faire n’importe quoi, vos oreilles lui appartiennent corps et âme. La partie instrumentale de Pastime Paradise est une superbe pièce de musique classique, sur laquelle Wonder délivre une performance gospel toute en nuance, et étale devant nos yeux des photos jaunies, une maisonnette cachée par les feuilles mortes et les haies de cyprès bruns et fanés, une vie entière repliée sur des valeurs et un patrimoine révolu. Tout est déployé en quelques minutes, et c’est comme si ce morceau avait toujours existé, comme si l’on connaissait très bien ces gens dont il nous parle. Le bougre passe encore un palier avec Summer Soft, avec un brio qui devrait être interdit : il nous accroche avec un titre et une introduction doucereuse et franchement irrésistible, et à partir de là impossible de résister, nous fonçons droit vers un refrain indécent de plaisir qui ressemble à une partie de saut à l’élastique depuis le soleil au zénith. "You’ve been fooled", finit-il par nous dévoiler, tel le chat du cheshire, son piano virevoltant dans des étincelles de sable fin. La suite alterne polyrythmies caoutchouteuses et bluffantes sur lesquelles des chœurs plus black que black finissent par atterir (Black Man, Ordinary Pain), slow languissants et empourprés comme une fin d’après midi avec un festin voluptueux (les agrégats de voix liquoreuses de Joy Inside My Tears et Saturn), et les deux accomplissements suprêmes que sont As et Another Star, sorte de quintessence de la musique des 70’s, ce qui ne les empêche pas d’avoir été repris à l’identique dans les 90’s et d’avoir fait un carton mondial, comme Pastime Paradise et I Wish. Songs in the key of life ? L’illustration d’un artiste au firmament, un Icare qui ne se remettra jamais de ce coup d’éclat aussi bien commercial qu’artistique.

note       Publiée le mardi 25 janvier 2011

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Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Je recommence l'ascension de ce chef d’œuvre (après être passé par Innervisions)

Message édité le 29-12-2023 à 20:09 par chris

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dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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https://www.youtube.com/watch?v=Og2mJjecDYw

Stevie Wonder goes jazz-rock. Contusion démarre à 4:48, et quelqu'un dans les comms fait remarquer que tout ça a de fort relents magmatiques. à 8:25 c'est Higher Ground et on a l'impression de deux groupes qui jouent à un quart de seconde d'intervalle... Don't worry about a thing est directement enchaîné. "turn me loose a little bit!". et 24:00, Living for the city et Superstition, que demande le peuple ?

Seijitsu Envoyez un message privé àSeijitsu

L'album met du temps à démarrer mais bordel, à partir de Contusion on a droit à un enchainement de malade mental que seul If It's Magic viendra troubler. Un disque qui redonne vie ? Exactement.

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NevrOp4th Envoyez un message privé àNevrOp4th

Putain j'avais oublié a quel point cet album était jouissif et géniale. Totalement d'accord avec les 2 chroniqueurs!

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sergent_BUCK Envoyez un message privé àsergent_BUCK
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Ils ont repassé "Do The Right Thing" sur Arte y'a 2 jours... cet album tourne en boucle chez moi depuis !

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