Robert Schroeder › Cream

Hummm…! Les aventures musicales de Robert Schroeder sont riches, tant en sonorités qu’en rythmes variés où le funky flirte avec le groovy sur de lourdes percussions entourées d’un univers plein de synthés aux riches tonalités. Un mélange des genres, riche et onctueux comme de la crème; comme Cream, le 22ième album solo du mythique synthésiste Allemand. Un album à la fois lourd et limpide, tant les notes et détails sont finement ciselés sur des rythmes suaves et tempétueux. Des tempos fracturés, entrecoupés et enveloppés de synthés qui disjoignent leurs nappes pour mouler des chœurs, brumes et souffles angéliques parmi des voix, vocodeurs et murmures de tous acabits. Un album aux intros envoûtantes et aux rythmes variés, martelés de lourdes percussions électroniques de style bongos et congas. Bref, un puissant album aux rythmes ambivalents qui croisent les époques et styles musicaux de Schroeder, et ce depuis Paradise en 1983.
Des arpèges sautillent maladroitement en ouverture de Magnetics. Elles épousent une délicate ligne de basse qui moule un discret rythme funky sur de fines percussions, alors que de belles nappes mellotronnées flottent légèrement au dessus de cette atmosphère tamisée d’effets sonores cosmiques. Un peu comme partout sur Cream, Magnetics coule et remue dans une riche et onctueuse crème sonore où différentes instrumentations viennent en enrichir des structures minimalistes et hypnotiques. Les synthés y coulent avec abondance et nuance, mélangeant habilement les suaves vocalises, solos mélodieux et nappes éthérées qui survolent un doux rythme parfois secoué par des coups épars de percussions et des accords de claviers qui cancanent comme un canard galactique. Groove Electronically est un très beau titre avec ses accords de piano qui se déploient dans une ambiance cosmique où chuchotements, synthés très plaintifs et effets sonores couvent cette étrange intro éthérée. Des pulsations hésitantes animent finement le tempo, foulant le romanesque de cette série de notes de piano minimalistes. Des percussions déboulent et augmentent le rythme d’un cran. Mais Groove Electronically reste secrètement délicieuse en dépit de cette panoplie de percussions et de sonorités aux formes bigarrées qui déferlent sur un tempo en constante évolution dont les contrastes cadencées s’entendent sous des strates de synthé acuités et spectrales, des roulements de percussions, des accords de clavier hachurés et un tempo qui galope sous des ondulations de synthé errant tels des prismes cristallins qui ululent entre de brefs et savoureux solos. Un tempo riche en sonorité qui s’éteint dans les notes de ce piano si savoureux, même si minimaliste. Le monde de Schroeder est complexe et harmonieux. Sur chacun des titres de Cream, le synthésiste Allemand saupoudre quantité d’instruments qui dégagent des nuées de sonorités aussi intrigantes qu’attirantes. Ainsi The Zong débute avec de lourdes sonorités métalliques, comme les monstres robots de La guerre des Mondes. Les percussions déferlent avec force, mais restent indécises, alors que d’autres plus nuancées forgent un doux rythme animé d’une fine pulsation basse et ceinturé d’un synthé aux ondes extraterrestres qui ululent des complaintes à la fois suaves et enfantines. Le rythme devenu plus lourd et intense, The Zong évolue dans une ambiance carnavalesque avec un tempo mi funky et mi jazzé qui zigzague sur des accords de claviers circulaires et des pulsations glauques. Un monde de rythme très diversifié et enveloppé d’un synthé aux nappes brumeuses et aux chœurs errants.
Funky Spacetrip est très représentatif de son titre; un gros funky cosmique avec vocodeur, des grosses percussions et un tempo vaguement ondulant accompagné d’un superbe synthé dont les lignes se subdivisent afin de créer une riche atmosphère où solos côtoient des nappes éthérées. Un titre très riche et près de des structures de Groove Electronically. Langoureux et sensuel, Foaming Waves est tout simplement captivant avec sa douce rythmique qui coule comme une gracieuse danse exotique sous de douces nappes brumeuses. Suggestif et osé, Foaming Waves embrasse presque les textures d’un blues électronique et cosmique, sur une cadence qui augmente graduellement le pas avec ses accords subdivisés sous un synthé aux exquises lamentations. Un très beau titre dont l’intensité musicale va en augmentant, nous rapprochant de l’ère Paradise et Time Waves, avec d’onctueux solos de synthé qui coulent sous les pulsations d’une ligne de basse aguichante. Notes de piano hésitantes, murmures sensuels et pulsations sensuelles ouvrent Simply Cream. Des percussions bongos déferlent sur un rythme langoureux, entre le funk et le groovy, nappé de superbes strates d’un mellotron brumeux. Le synthé y est suave, le rythme suggestif et les claviers dessinent de fines lignes hachurées, couronnant une accrochant mélodie synthétisée et Simply Cream défile tel un hymne sensuel dans une forme de rétrospective musicale des 5 premiers titres de Cream.
Riche, Cream l’est! Riche en sonorités de tous genres et en rythmes diversifiés, Robert Schroeder manipule ses synthés avec une adresse inouïe et nous fait découvrir une riche faune sonore où les reliefs se sentent autant qu’ils s’entendent. Une pure merveille où nous sommes rivés à nos haut-parleurs tant les rythmes, ambiances et atmosphères sont finement découpés et rendus avec une précision chirurgicale. Une belle, riche et onctueuse crème qui se dilue fort bien dans l’univers des rêves où la musique des années 80, avec la technologie et la sonorité d’aujourd’hui, inonde nos oreilles de doux rythmes suaves et tempétueux, unique au monde de Robert Schroeder.