Ricochet Gathering › Okefenokee 2001

Les évènements du Ricochet Gathering remontent aussi loin qu’en 2000. Ce premier concert très intimiste et improvisé dans les marécages d’Okefenokee au Foster State Park en Georgie réunissait à cette époque Bill Fox et Marcel Engels. C’était ainsi le premier d’une longue série de concerts thématiques en hommages aux œuvres de Tangerine Dream. Fortement inspirants de par leurs cachets mystiques, les marais d’Okefenokee étaient encore l’endroit hôte pour la 2ième escale de cette série de concerts en 2001. Cette fois, John Christian, Peter Ruczynski et Dave Brewer se joignaient à Bill Fox et Marcel Engels du 20 au 24 Avril 2001. Un premier album de ce jam session fut réalisé sur étiquette New Harmony de même qu’un double CD-R sur Ricochet Dream (RD002-P2). Mais avec 3 CD pour 4 jours de musique, on se doutait bien qu’il restait encore quelques bobines inédites qui traînaient dans les voutes marécageuses d’Okefenokee. Okefenokee 2001présente donc 3 longs titres aux ambiances morphiques et discordantes qui croisent des rythmes irréguliers dans une ambiance électronique fortement inspiré des jeunes années de Tangerine Dream.
Des accords de clavier sautillent et zigzaguent nerveusement pour mouler une première approche séquentielle d’Invisible Gates. Des séquences aux accords hachurés, tantôt claires et tantôt lourdes de résonnances, montent et descendent dans une belle brume mystique et de belles flûtes mellotronnées. Vestiges d’une époque que l’on ne veut oublier, elles flottent et errent parmi des sonorités hétéroclites et des nappes de synthés hésitantes qui vont et viennent parmi une indécision séquencée et des accords d’une guitare isolée. Difficile d’approche avec ses rythmes à plusieurs têtes et ses nappes de synthé à plusieurs queues, Invisible Gates évolue entre l’abstrait psychédélique et le rock cosmique, là où le rythme latent sautille doucement sous de fines pulsations dans un cosmos bardé de sonorités électroniques très près du terroir des premières années du Dream. Un rythme ambigu qui connaît des moments intenses, avec ses séquences métalliques qui s’entrechoquent en mi-parcours, et des moments fractionnés par des séquences hybrides qui résonnent dans une improvisation des Voies Lactées où chœurs chtoniens sillonnent les aurores boréales des synthés aux strates entrecroisées. Le rythme devient plus homogène, mais toujours noyé sous une avalanche de sonorités électroniques qui dessine une structure cacophonique, pour finir par éclore, vers la finale, avec une cadence soutenue. Une cadence enveloppée de fins mellotrons, de belles nappes et solos d’un duel synthé/guitare qui s’éteint dans les brumes mystiques d’un mellotron flûté, faisant d’Invisible Gates un titre très difficile à apprivoiser et qui oscille entre le Berlin School psychédélique et le rock cosmique.
Spanish Moss débute avec délicatesse. Une douce brumeuse éthérée et des accords de guitares un peu bluesy en sillonnent ses cerceaux réverbérants. Une intro vaporeuse qui s’active avec une première ébauche séquencée où des pulsations ondulantes moulent une rythmique à la Stratosfear, submergée dans une épaisse brume mellotronnée. Comme Invisible Gates, Spanish Moss évolue par étapes. De courts passages aux rythmes et mélodies élusives qui vont et viennent aux travers de beaux solos de synthés et de guitares, des flûtes mellotronnées, des accords de piano radiant, des chœurs errants, tous entourés d’une ambiance à la fois vaporeuse et spectrale. Firefly Waltz est aussi magique que la beauté de son intro. Un vrai Berlin School qui augmente son hypnotique crescendo, comme on les aime. Une belle intro morphique initie cette ode au Berlin School. Une ligne de synthé ondoie dans un sombre cosmos animé par de douces percussions de métal, enrobées de feutres, qui serviront de base minimaliste à Firefly Waltz. Un doux mellotron échappe une tendre sonorité de flûte, accompagné d’une fine pulsation de basse qui donne une belle et sensuelle hybridité cadencée à une intro qui lentement embrasse un mouvement séquentiel plus lourd et rapide. Une cadence moulée dans l’univers du Dream, accompagnée d’un dense mellotron vaporeux qui laisse partir de douces mélodies flûtées. Le rythme s’anime avec lourdeur alors que les séquences multiplient les accords et augmentent le pouls, sous des couches de synthés divisées entre un support rythmique et une approche mélodieuse, échappant des nappes qui jappent au crépuscule sur une cadence de plus en plus lourde et frénétique. Un superbe morceau qui se conclut dans la tranquillité des flûtes mellotronnées et de son intro, comme les grands classiques du Berlin School.
Je pourrais dire qu’une chance qu’il y avait Firefly Waltz pour sauver la mise, mais je manquerais d’objectivité. Moi qui affectionne une MÉ aussi audacieuse que mélodieuse, j’ai eu de la difficulté à approcher Okefenokee 2001. Invisible Gates et Spanish Moss sont deux titres qui souffrent de bipolarité rythmique et qui délaisse l’approche mélodieuse dans la cacophonie obligée d’une jam session improvisée. Par contre, ceux qui adorent ces dénouements musicaux tortueux et expérimentaux très près d’un Krautrock sauvage adoreront ses deux titres. En fait, Okefenokee 2001 en a pour tous les goûts; psychédélique, expérimental, cosmique et Berlin School. Et Firefly Waltz vaut à lui seul le prix d’Okefenokee 2001. Tout simplement délicieux!