Je ne m'en lasse décidément pas, Brouillard Définitif vient encore de ramener à la vie pour nous une de ces formations françaises des 80's plus que prometteuse et pourtant condamnée aux affres de l'oubli si l'exquise brume n'était passée par là. Fondé en 1982 à Poîtiers, le groupe débute par une cold wave dépressive et sombre menée par le tempo sec et monotone d'une boîte à rythmes, une basse grise, des guitares froides et un chant plaintif, recette dont raffoleront les fans des Cure période 'Faith'. Mais Odessa ne s'y limite pas comme le démontre 'Africa Korps' plus rapide et tâtant de la minimal wave, notamment dans la voix scandant des mots plus que des phrases. La maturité se précise au fur et à mesure des compos, la ligne conductrice se fait plus fluide ('Theatre Bolshoi'), sans que ne disparaisse l'impression de spleen baignant les chansons. La boîte cependant montre ses limites, les musiciens estiment avoir utilisé tout son potentiel, lequel culmine dans le magnifique 'Lowly ceremony', témoin selon moi de la cohérence que le combo a atteint sous cette première mouture. En 1983, l'arrivée d'un batteur permettra de poursuivre le travail entamé en donnant plus de corps aux morceaux, de même que l'adjonction d'un synthé. L'option de la compilation étant de débuter par les enregistrements les plus récents pour plonger plus loin dans le passé, les quatre premières pistes s'avèrent les plus captivantes, à commencer par 'Dark inside', véritable tube en puissance d'une noirceur délicieusement étouffante. Les guitares se sont salies, délaissant la froideur pour une obscurité organique très gothique, savamment épaulées par la rythmique hypnotique et tribale, le tout complété par le chant grave placé légèrement en retrait au mixage. Moins saturé mais bon aussi, 'Attente' emprunte beaucoup à Joy Division dans ses climats. 'Comrad' renoue avec une tension palpable qui évoque bien des formations post punk goth anglaises des 80's, sentiment confirmé sur 'Trouble', quatrième chanson sélectionnée pour le premier single qui ne figurera finalement pas sur l'objet pour des raisons de durée mais sur une compilation K7. Odessa, hélas, ne conquerra pas d'autres terres; son histoire, semblable à celle de tant d'autres groupes, est d'une banalité à pleurer...Malgré les efforts, le disque n'aura que peu d'impact et Odessa, miné par les tensions, splittera juste après...Pour mieux nous parvenir aujourd'hui après un gros travail de remastering ! Comme quoi, tout vient à point à qui sait attendre. 4,5/6