"I was born with a teacup on my head". Cette phrase, qui introduit "We Bought the Flood", semble avoir été enregistrée pour moi. The Books est l'un des groupes de pop expérimentale (au sens le plus large du terme) les plus excitants sortis depuis ce nouveau millénaire. Un duo extrêmement discret, dont chaque disque, publié à quelques années d'intervalle, fait toujours un peu parler de lui comme d'un ovni inclassable par excellence... Sans jamais atteindre le grand public, qui n'est pas encore prêt à porter aux nues un groupe de pop sans chanteur. Pourtant la musique de The Books n'est pas instrumentale. Ce qu'ils visent, c'est la guérison par le cut-up, en utilisant les samples de voix parlées comme personne d'autre ne la fait, et probablement ne le fera. Il y a peu de chances que ces discrets laborantins lancent une mode, tant leur musique est ciselée jusqu'à l'overdose, un peu comme celle des regrettés Avalanches, en moins vorace et old-school, toutefois. "We genuflect before pure abstraction", laissent-ils échapper dans Beaufitul People. Pour une fois, on va citer un journaliste, de Magic en l'occurrence qui avait écrit que les Books concevaient leurs disques "comme un pied de nez avant-gardiste fait à la pop, et inversement". Difficile de mieux décrire la chose. L'expérimentation est ici livrée sans esbrouffe, sans le sérieux, le chaos ou le côté sombre qui va souvent avec, mais simplement en recherchant une forme d'harmonie. Une réussite éclatante comme le diptyque IDTK/I didn't know that est un véritable pied de nez aux formes conventionnelles de la pop... Pourtant, force est d'admettre qu'on est pris au truc, totalement subjugué par ces harmoniques de guitares, art dans lequel les Books sont passés maîtres, depuis quelques albums. Des guitares sans effets, empruntant juste ce qu'il faut de clarté au post-rock, cumulées à ces samples et à ces voix inconnues, comme des instantanés de vie captés sur une bande FM qui reste à découvrir. On y trouve par exemple un extrait d'une des rares interviews de Gandhi, des samples d'enfants se disputant sur fond de beat déconstruit et volubile (le très Cornelius-ien A Cold Freezin' Night), le chant dreampop d'une belle inconnue résonnant comme dans une église miniature (All you need is a wall) ou encore le très étrange discours introductif d'un genre de gourou pour thérapie de groupe par l'hypnose (Group Autogenics)... Toujours accompagné de cette guitare délicate, mais plus seulement. The Way Out est moins acoustique et ambient que les précédents opus, plus extraverti et extravaguant. Les ambiances y sont plus hétérogènes, tout comme l'instrumentation... On n'y trouve pas moins de superbes moments de grâce, preuve que ces deux-là savent ce qu'ils font, et se posent en héritiers plausibles de groupuscules comme le Penguin Café Orchestra. Un excellent disque pour rêvasser ou méditer.