Peter Gabriel › So

Après quatre ans de silence consacrés à son association Womad et aux déboires financiers qu’elle créa d’abord, Peter Gabriel envoie «So» dans les bacs. «Sledgehammer» et son clip débarquent, tout le monde accroche, suivent le duo avec Kate Bush et le clip de Big time. Vu de loin, entre cette musique très léchée et aux allures plus calibrées et le succès qui l’accompagne, on reste un peu dubatif. Après l’écoute, «So» sonne comme une volte-face faite à Security, son angoissant prédécesseur. «We do what we’re told», lente mélopée de voix lobotomisées sur tissus de violon indien et guitares noires et aigres, en reprend, à sa manière, le magnifique flambeau. Globalement, l’album est une merveille de production et d’arrangements. La basse est puissante, très en avant et gonflée de groove, la musique noire entre chez Peter Gabriel. «Sledgehammer», «That voice again», «Big time» sont des croisements pop-funk-R’n B soignés et percutants. «In your eyes» est sweet et groove, et fit découvrir au monde entier la voix surréaliste du Grand Youssou n’Dour. «Mercy street» est une complainte triste et lente, chargée d’émotion, où la voix toujours plus âgée de Gabriel sonne comme celle d’un vieux conteur plein de tristesse et de sagesse. Et puis il y a «Red Rain», une merveille de son, de beauté d’arrangements et d’ampleur harmonique. Par delà ces rapides affiliations chaque morceau est arrangé avec originalité et une grande maîtrise. Cet album affirme donc autant une nouvelle orientation qu’un aveu de recherche encore en cours. Le bonus-track de la version CD, «This is the picture», composée et interprétée avec Laurie Anderson, révèle, comme «We do what we’re told», que Gabriel reste angoissant et étranger, britannique et africain. C’est trop bien calibré pour être vraiment expérimental et surprenant comme avant, trop énergique et souriant pour être, autrement que par endroits, sombre. Mais voici un excellent album de musique, excellemment réalisé et arrangé.