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Linton Kwesi Johnson › Forces of Victory

  • 1979 • Island 200 459 (NL) • 1 LP 33 tours
  • 1979 • Mango/Island MLPS9566 (US) • 1 LP 33 tours
  • 1979 • Island ILPS 9566 (UK) • 1 LP 33 tours
  • 1979 • Island ILPS 19566 (Italie) • 1 LP 33 tours
  • 1990 • Island 510 069-2 • 1 CD

cd • 8 titres • 33:54 min

  • 1Want fi goh rave4:21
  • 2It noh funny3:43
  • 3Sonny’s lettah (anti-sus poem)3:54
  • 4Independant intavenshan4:20
  • 5Fite dem back4:28
  • 6Reality poem4:45
  • 7Forces of viktry4:56
  • 8Time come3:26

informations

Enregistré par Dennis (Blackbeard) Bovell et John Caffrey. Produit par Linton Kwesi Johnson .

line up

Dennis Bovell (piano, voix additionnelles), Jah Bunny (batterie sur 1-4, 8, percussion), Winston Curniffe (Winston Crab Curniffe) (batterie sur 5, 6, 8, percussion), Dick Cuthell (flugelhorn), Julio Finn (harmonica), Everald "Fari" Forrest (Fari) (percussion), Linton Kwesi Johnson (voix, dub poetry), Webster Johnson (piano), John Kpiaye (guitares rythmique et lead), Floyd Lawson (basse sur 1, 5), Rico Rodriguez (Rico) (trombone), Vivian Weathers (basse sur 2-4, 6-8, voix additionnelles), The Invisible One (piano), Winston Benett (voix additionnelles)

chronique

  • dub poetry>kwesi's lettah

"Broken English", disaient-ils. De l’Anglais cassé ? Pour les académies, les bureaux de censure, peut-être. Les manuels de sciences sociales, les hémicycles et les bonnes mœurs. Dans la rue, pourtant, à hauteur d’homme, sous le manteau, c’est ainsi, c’est par là qu’elles se mettent à marcher ; à respirer, à faire chair et sens : les idées. Qu’elles courent, planent, piquent et se répandent. Passent des têtes aux mains, d’une existence à l’autre, de cellules en foyers. En affectant, en adoptant, en simulant l’erreur, ils se font code et poésie, toujours, ces langages refaits, amalgamés, hybrides, organiquement soudés plutôt que recousus. Ils trompent l’ennemi, l’observateur. Il gagnent les consciences, contournent les méfiances. Pidgins, créoles, argots… C’est à même le monde qu’ils portent mots d’ordre, échappées… Linton Kwesi Johnson, intrigant personnage, curieux individu. Activiste ‘né un dimanche’ (c’est ce que signifie son nom choisi, ajouté au centre, ashanti…) ; Jamaïcain de Londres qui se défie du rastafarisme (le tenant pour un autre opium) ; s’exprime en patois, en Vernaculaire par choix, modifié sous les cieux d’accueil ; intellectuel clairement marxiste de formation (et passé par les Black Panthers, leur fraction locale), matérialiste et dialecticien mais qui se refuse à la simple propagande. Littéral par moment, sans aucune afféterie formelle puis l’instant d’après ambigu, plein d’un doute intime, pudiquement exposé. Et puis cette voix... Jamais aussi proche, fraternelle, chaleureuse que quand ses mots se font durs, impitoyables, ses histoires sombres et sans espoirs (Sonny’s Lettah, épître, adresse carcérale qui fait grincer les dents autant qu'elle peut serrer les tripes) ; jamais plus dansant, musical, chaloupé, souple, détendu son souffle, son verbe, que lorsqu’il en appelle à l’action, à franchir les cordons de sécurité, à l’unité, à l’émeute voire (Independant intevenshan, Fite dem back…). C’est que le Dub Poet de Brixton - sans doute l’un des tous premiers qui se soit fait entendre hors de la Caraïbe - maîtrise en artiste - et non en mercenaire, en froid idéologue - l’art du récit, de la nouvelle brève, de la parole qui veut éveiller, ouvrir plus qu’édifier ; que ses slogans pourtant, quand ils en sont, se forgent sans aucun chantage à l’émotion, sentimentalisme, promesse fallacieuse ; une réponse, en somme - et comme un antidote - à l’époque tout autours : dure, glacée, morne, engoncée (1979, c’est l’année où Thatcher devient Premier Ministre, le sale moment où certains mouvements populaires se replient sur un nationalisme forclos, où le National Front racole en masse les skinheads et autres ex-punks dépossédés…). À ce miracle, à cet équilibre extraordinaire et simple du dire, du mot passé, en répond un autre, tout aussi plein, multiple, paradoxal. Dans la profondeur du son, la richesse des lignes, des racines mêlées mais déliées, le foisonnement des neuves floraisons. Sur cette seconde percée (en comptant Dread, Beat An' Blood, l'album sorti sous le nom Poet and the Roots l'année d'avant, où jouaient déjà une partie des ci-présents) les hommes du Dub Band - et Dennis Bovell, son maître en espaces - prennent pleine possession de leurs moyens. Sur la rondeur, le moelleux des basses, la fermeté du skank jamaïcain (ce pouls d’acier aux arrêtes cristallines), ce sont bien d’autres couleurs, bien d’autres fragments qui se re-combinent en toutes cohérences, en chants immédiats et luxuriants. Dans ces cymbales aériennes - presque jazz par moments - qui survolent le mix, l’éclairent, le nimbent de surprenants reflets, l’ornent d’insoupçonnés reliefs. Dans la guitare de John Kpiaye, aussi, qui ne tient pas en place mais ne quitte jamais son axe balancier. Qui - partant des chorus bluesy, miaulants, imposés alors par Junior Marvin (le guitariste de Bob Marley sur ses albums pour Island…) - dérive subtilement vers d’autres îles, d’autres formes et longueurs d’ondes ; vers un drôle de calypso, vers des contrées d'Afrique encore juste abordées. Dans ces fanfares aux ondoiements presque orientaux - éthiopiens ? - héritage, peut-être, du Far East Sound d'Augustus Pablo. Puis les effets, bien-sur - on parle là de dub, en sa plus haute époque ! -, qui magnifient, aèrent, révèlent cette musique essentielle, vitale, nettement créée dans l’urgence et très exactement équilibrée pourtant. Proportionnée juste comme il faut pour vibrer à même ce réel, ce monde moderne, bruyant, étouffé, surpeuplé, où elle entendait bien lancer ses résonances. Ils soulignent les ombres, les portent un peu plus loin, ces échos, réverbérations, delay ; filtrent et déforme les éclats du cuivre, en exhortent l’acidité, changent l’ordre des fréquences qui enlèvent la danse ; flangers, phasers ; dilatations et contractions analogiques… ‘Time Come’, nous disent en clôture rimeur et musiciens. Et de fait, il arrive, le provisoire accomplissement. Pour cette voix sans pareil, cette construction spacieuse et intriquée où tous tendent à une fugitive perfection. Certes, les rues n’allaient pas s’éclairer ; l’étau sur le monde n’allait pas se desserrer ; les échoppes coloniales n’en avaient pas fini de brûler. Mais elles vibraient, ces forces, s’affirmaient, agissaient, laissaient pour les vivants des marques, des indices, des points de mire que rien ne saurait figer. Ce sont périodes ascendantes, qui ne visent qu’un point, sublime et pragmatique. Celui-là qui – jamais - ne se voudra final. Parce que sa langue s'élabore à mesure qu'elle dit. Et que sa seule perfection est d’être une lancée.

note       Publiée le samedi 24 juillet 2010

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    Giboulou Envoyez un message privé àGiboulou

    Sonny's Lettah, un des plus grands morceaux de reggae à avoir atteint mes oreilles. Les paroles, les changements de rythme. Miam.

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    gregdu62 Envoyez un message privé àgregdu62

    Un indispensable de LKJ !

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    Damodafoca Envoyez un message privé àDamodafoca

    Superbe album.