Gamelan Semara Budava de Kuta / Ketjak de Sumertha › Magic Bali

cd • 4 titres • 57:08 min

  • Le Gamelan
  • 1Jatayu contre Ravana5:16
  • 2Hanuman dans la forêt9:55
  • 3La bataille finale16:35
  • Le ketjak
  • 4L’enlèvement de Sita25:20

informations

Enregistré à Kuta (1-3) et au théâtre de Sumertha, banlieue de Den Passar (4) - Bali. Dates d'enregistrement non-créditées.

chronique

  • gamelan>corps céleste

Mais là le cuivre danse, et l’étain, et le bronze. À la vitesse des airs et des échos sylvestres. Avec l’allant des demis dieux, de leurs parents célestes (et de leurs êtres familiers avec leur âmes animales). Est-ce d’en avoir tant à contenter, à nourrir, tellement d’entités à qui rendre l'écot aux voûtes qui surplombent ces terres hindouistes, aux gouffres sous les eaux avec leurs émissaires ? Toujours est-il que le gamelan de Bali -là où son pendant javanais semble sourdre à même le métal, emplir longuement, langoureusement l’espace- éclate sous nos sens en directions multiples, innombrables, changeantes avec l’instant, en solides irisés. La matérialité du son, des éléments qui le produisent, vient résonner directement nos os, nos chairs, entraine la pensée aux poussées soudaines et spirales du ballet. Il y a dans cette Geste -même lorsque le courant s’alanguit quelque peu, comme pour guetter la prochaine phase, la prochaine fulgurance- une solidité, une densité des timbres, une dureté presque, projetés pourtant avec une agilité sans équivalent, unique au monde par sa forme et ses teintes. Tournoyés, propulsés avec une rigueur, une science des mouvements d’ensemble (homothétiques ou différenciés, tissés, vaporisés...) proprement surnaturelles tant rien -jamais !- ne semble jurer, enrayer ces courses à l'inconcevable célérité. Elle nous perd, d’abord, cette épopée. Elle nous intoxique, accélère notre sang. Et puis elle nous transporte. Au cœur de ces tableaux, de ces scènes vivantes où manquent pourtant les chorégraphies qu’on fait là-bas devant les temples ; les bruits environnants, le poids de l’atmosphère. Nous avons beau ignorer (tout ou partie) les détails de l’action -l’antique histoire de Rama, septième avatar de Vishnu-, la place exacte des épisodes ici donnés… Nous en sentons chaque glissement, l’intensité, les souffles, revirements, stratégies et passions. Ils nous prennent et nous parcourent, alors même que nous n’en savons rien (ou si peu), ces noms, avanies, victoires et décomptes : Hanuman, le Roi-Singe ; Ravana le Monarque-Démon ou Jatayu l’annonciateur… Des batailles, amours, fuites ou ruses mystiques, on ne saura pas le moindre mot (sauf à en rechercher ailleurs la légende). On en saisit pourtant -en plein, dans une ivresse qui aiguise bien plus qu’elle ne voile le sens- chaque gradation du tumulte, tous les tenants et les vecteurs et les inexorables cycles. C’est qu’ici, plutôt que de narrer batailles et désir, le son nous les instille, nous jette dans leurs cercles… La dernière plage, d’une autre tradition, moins ancienne -peut-être moins commune, encore moins connue sur nos terres- nous plonge encore dans un émerveillement -ou bien serait-ce, aussi, un peu d'effroi- plus étranger s’il se pouvait. Car cette forme-là peut bien être syncrétique, fruit modifié d’une exogène volonté… Il n’empêche que, nulle part, rien ne lui semble égal. Initié par le peintre allemand Walter Spies dans les années trente, le Ketjak (ou Kecak, ou Ketjack…) pousse aux racines d’un rituel de transe que ce visiteur, fasciné par la force -brute et spirituelle- qui s’y déployait, s’était mis en tête d’adapter en spectacle esthétique, en actes, en scènes, s'attachant, pour ce drame nouveau, aux mêmes péripéties de ce prince Rama. Pas de gongs, ici, nul métallophone. Pas non plus de frappes sur les peaux de buffles, ni de grêles flûtes de bambou. Une même singulière dynamique pourtant ; mise en œuvre, pour cette fois, en ébranlement, par des voix masculines, guerrières, viriles, qui jettent en scansions l’unique syllabe ‘Tjak’, répétée, multipliée, syncopée à l’envi. Et par dessus cette marche, cette course, cette charge, un narrateur, un acteur qui vocifère ce que l’on imagine être harangues et querelles, invectives et défis aux troupes ennemies, rodomontades du Monarque à Dix Visage (Ravana, donc, avec ses vingt bras, de même) quand il parvient à rapter la Princesse (le passage concerné rapporte l’enlèvement de Sita, la compagne de Rama). Que l’on désire ou non s’interroger sur l’authentique de la pièce (est-ce bien là la question…), on peut difficilement nier sa vibrante puissance. Martiale, violente, sans raffinement de séductions… Mais charnelle, pourtant, attirante -érotique, presque- dans la ferveur de son élan. Incarnée, oui. Comme l’étaient, plus tôt dans l’écoute, dans nos gorges et nos vaisseaux, derrière nos fronts et au diaphragme les voix des coupes et des lames que martelaient les musiciens, les exécutants de l'offrande. Comme le sont au corps de cette danseuse, les Grâces et envoûtements des dieux vifs pour qui l'on joue.

note       Publiée le vendredi 9 juillet 2010

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Proggy et Trimalcion avaient bien ouvert la voie !

    Plus facile de s'y engouffrer maintenant qu'à l'époque, vers ce contrées-là, via guts...

    J'vais voir s'il reste des légumes (gumbo ? patates douces ? igname ? Toujours à suivre).

    Eliphas Envoyez un message privé àEliphas

    Étant d'une inculture remarquable dans tout ce qui concerne la "world music", je dois bien avouer que j'apprécie beaucoup tes chroniques qui me permettent d'élargir mon champs d'écoute, parce que y a pas que les pâtes et le riz dans la vie!

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Eh ! Après Susie, c'était logique que ces gongs-là te causent aussi ! En passant, si le côté 'enveloppant' de la chose te fait de l'effet, y'a moyen que tu t'y retrouve encore plus (ou différemment...) dans la version javanaise (lente, donc, étale).

    Content de voir que des gens dont c'est à priori pas du tout la base viennent y voir ce qu'on peut y entendre, en tout cas.

    (Et donc merci pour les com').

    Eliphas Envoyez un message privé àEliphas

    J'adore ces sonorité métallique, je trouve qu'il y a vraiment quelque chose de mystique et d'apaisant dans cette musique, enveloppant et profond.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Eh eh, oui, je t'y incite chaudement, aussi !