La pochette du dernier Alamaailman Vasarat change considérablement du style auquel ils nous avaient habitués : fini les couleurs fluorescentes et psychédeliques, nous sommes face à une collection d’insectes épinglés sur une planche, visiblement très ancienne vu que la plupart tombent en poussière ! La raison de ce choix est étonnante, puisque Huuro Holkko est le nom d’un explorateur finnois (fictif ?) qui aurait collecté ces insectes lors de ses voyages dans les années 1900. Il s’agit donc d’un album concept autour des carnets de voyage de ce drôle de personnage, chaque morceau révélant une nouvelle étape de son parcours rocambolesque qui semble tout droit sorti d’un épisode inédit de Tintin et Milou. Jugez plutôt : on commence par une berceuse plutôt musclée, Mielisaurus, puisque tout commence par le rêve d’un continent inconnu, fait dans les bras velus d’un monstre qui berce le héros tout doucement… A son réveil, il décide de partir à la recherche ce continent, en embarquant sur un bateau qui, aux prises avec une tempête (Meressä ei asuta, qui évoque poissons volants et créatures de la mer), fini par couler, laissant Huuro dériver jusqu’au fameux continent caché, où il se réveille dans une ambiance paradisiaque (le somptueux Natiivit), avant de faire une partie de chasse fort swinguante (Luonto tuli lähelle), et de se frayer un chemin à coup de machette dans un genre de remake de « La Vallée des Bannis » sur fond de riff de violoncelle hystéro que n’aurait pas renié Bumcello… Et c’est après avoir traversé les montagnes de Tujuhuju qu’il se retrouve dans une grotte aux peintures rupestres mystérieuses, qui lui délivrent leur grand secret... Jusqu’à le rendre fou. Le voilà qui erre désormais dans un souk au Maroc, l’air défoncé (Omalla Ajalla), sans que l’on sache ce qui est advenu entre temps… On a même droit à un générique de fin de grande classe, où le groupe s’est imaginé jouer pour une fête bien arrosée en mémoire de l’explorateur. Je vous invite à lire toute l’histoire sur le site du groupe, car les détails abondent, et l’imagination de ces gens à de quoi surprendre. C’est un film pour les oreilles qui se déroule donc ici, où richesse, variété et mélodies sont les maîtres mots. Peu importe que vous ignoriez tout du Klezmer où même du jazz, Huuro Kolkko est un album à mettre entre toutes les oreilles, très immédiat malgré ses nombreuses originalités, comme l’emploi d’un saxophone d’un nouveau genre appelé Ed Tubax, au son guttural, où encore une intro au violoncelle joué avec un peigne pour un effet ésotérique vraiment saisissant (Luola). Tout l’album fleure bon le faste de la belle époque, et à l’écoute d’un titre à tiroirs comme Liskopallo, on ne peut s’empêcher de penser à l’insolente réussite de Mr Bungle pour California (comment ça, je vous ai pas encore fait un roman sur California ?)… Il y a quelque chose de commun dans l’âme de ces musiques.