Compilations - Divers › Geyser

Si vous visitez l'Islande, n'hésitez pas à aller voir Geysir, le célèbre jaillissement d'eau chaude (lequel a donné son nom au phénomène), c'est vraiment impressionnant. En attendant ce jour, pourquoi ne pas vous rabattre sur cette compilation parue en 1987 voulue comme un reflet de la scène alternative islandaise des années 80 en présentant une partie de ses artistes les plus importants ? On retrouve donc les incontournables Þeyr avec leur hit 'Killer boogie', déjà présent sur 'Rokk y Reykjavik', ainsi que Purrkur Pillnikk dont le post punk nerveux et schizophrène frappe juste avant de se conclure sur du pur punk enragé. Parmi les autres 'classiques' du style', nous trouvons bien sûr K.U.K.L. avec une chanson extraite de leur second disque sous le nom de 'Greece'; rebaptisée 'Man on the cross', elle témoigne du fait que le combo avait déjà pris une certaine distance avec le punk pour expérimenter davantage dans une voie rappelant volontiers l'esprit Virgin Prunes. Moins novateurs mais efficaces, Vonbrigði se lancent à corps perdu dans un punk noir et gothique très inspiré par Killing Joke. Parmi les éléments moins connus, Bubbi Morthens nous propose une composition avec Das Kapital, projet qu'il créera après le split de Egò, dans un style rock et sombre, pêchu et assez jouissif. Pourquoi le classer dans les moins connus alors que Bubbi est l'une des vedettes absolues de l'Islande ? Parce que Das Kapital n'enregistrera qu'un unique opus pas toujours évident à dégotter. Les mystérieux Jonee Jonee, eux aussi présents sur 'Rokk y Reykjavik', oeuvrent dans une sorte de minimale wave expérimentale avec percussions tribales et vocaux chuchotés, un peu à la manière des travaux les plus particuliers de D.A.F.. Deux formations m'étaient totalement inconnues, Mickey Dean & De Vunderfoolz qui nous proposent une sorte d'EBM minimal sombre qui pourrait satisfaire les fans de Klinik et Stanya, un mâle guitariste (contrairement à ce que peut suggérer son pseudonyme) plutôt influencé par Clapton, Hendrix et autres mais qui travaillera avec Þeyr, Björk, Bubbi et d'autres formations progressives, rock, pop ou industrielles; son propre projet pourrait se rapprocher de Psychic TV (avec lesquels il travaillera en tant que musiciens de session). Megas dont je ne suis pas toujours friand s'en sort bien dans son duo avec Ikarus, son timbre nasillard colle efficacement au style post punk goth du titre. Peut-être plus surprenants sur ce type de compilation (encore que...): Hilmar Örn Hilmarsson avec le superbe 'As Astra' qui n'est pas sans évoquer un mélange de Test Dept et de vocaux à la Delirium, rythmé, mystique, parcouru de cordes synthétiques, mais surtout Sveinbjörn Beinteinsson, chantre de la poésie traditionnelle islandaise. 'Edda' seraient des poèmes en vieux langage compilés dans le 'Codex Regius', manuscrit datant de l'Islande médiévale. Il est étonnant de voir à quel point son art ancien a inspiré nombres d'artistes et groupes underground (Current 93, Psychic TV, Þeyr, Burzum...). Vous l'aurez compris, la notion de musique indépendante brasse pas mal de styles en Islande, ce qui n'a rien d'étonnant. Est-ce l'isolement ? Beaucoup de musiciens de l'île ont su développer des compositions audacieuses, se riant des barrières, développant une identité particulière les plaçant souvent dans des catégories à part aujourd'hui encore. 'Geyser' peut être vue comme une pièce de ce puzzle.