Vous êtes ici › Les groupes / artistesSSat Stoicizmo › Mah 2

Sat Stoicizmo › Mah 2

vinyl 33t • 4 titres • 60:09 min

  • 19:36:57 Po Srednjeevropskom Vremenu15:08
  • 2Avionom12:17
  • 3Nehaj14:04
  • 4Futur Egzakni18:40

informations

La chronique se réfère à l'édition vinyl, qui diffère de l'édition CD par l'ajout de lock grooves.

line up

Yvan C. Zrak, Darkon Blajciffer, Velimir Mostic

chronique

  • futuriste

Lorsque l'on parle de musique industrielle venue d'Europe Centrale, force est d'admettre que l'on tourne invariablement autour d'un certain quartet slovène dont je tairai le nom, ce qui est plus que dommage car, occultées par ces références consanguines, se tapissent de véritables petites perles qui ne demandent qu'à voir la lumière. Sat Stoicizmo, trio croate fondé en 1981 et dissous en 1987, fait justement partie de ces joyaux trop méconnus. Son nom (littéralement « L'heure du stoïcisme », dans une langue mélangeant croate et italien), renvoie à Marinetti, à une esthétique futuriste brandie en étendard. Tout au long de son existence, le groupe, cohérent dans ses choix, s'est fixé l'objectif utopique de composer la musique de « Berlin, Symphonie d'une grande ville », chef d'oeuvre du cinéma muet de Walter Ruttmann. Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas cette oeuvre d'art total datant de 1927, il s'agit d'un film-marathon de 24 heures qui retranscrit les énergies, les géométries, les mouvements d'une grande ville, en une véritable symphonie cinématographique. Ruttmann use et abuse de procédés totalement nouveaux pour l'époque, comme les effets de superposition, les effets d'optique, le tournage de nuit. Pour le trio croate, ce film représente le futurisme dans sa flamboyante réussite ; seul lui manque une bande-son digne des travaux de Luigi Russolo, et c'est à quoi ils s'acharnèrent six ans durant, avant de finalement abandonner devant l'ampleur de ce projet titanesque. Il nous reste de Sat Stoicizmo leurs mémorables performances bruitistes et quelques cassettes, dont « Mah 2 », rééditée en 1997 par l'excellent label allemand Artware. Cette oeuvre a précisément pour objet la retranscription de quatre concepts futuristes fondamentaux - simultanéité, accélération, puissance, machinerie - déclinés en quatre longs morceaux. Dès l'instant où le diamant attaque le sillon de « 9:36:57 po Srednjeevropskom », on est pris dans un maelstrom de sirènes, de patterns rythmiques, de beats parlant morse, de voix difformes, d'accélérations, de variations, d'effets stéréophoniques, de cut-up de bandes frénétiques, de modulations supersoniques, de trains lancés à grande vitesse, d'extraits radio, le tout en entrechoquement instantané et organisé. Ce formidable et néanmoins épuisant bruitisme se termine par un rapide thème au piano, rehaussé de discrets effets. Puis vient « Avionom », démarrant par un cut-up d'avions à réaction, dont les déflagrations vont en s'accélérant, avant de laisser place à un véritable assaut de bandes, de sons concrets, de beats survoltés, de soli de batterie exécutant des phrasés en morse. Cette danse industrielle est soudain assaillie de sirènes tout en glissando que n'aurait pas reniées Boyd Rice, avant de dégénérer en un magma de sons triturés d'où finit par émerger une dernière charge rythmique, métallique à souhait, abdiquant sur un lointain réacteur d'avion, bloqué indéfiniment en lock groove. « Nehaj » avertit par ses sirènes hurlantes du tumulte à venir. Un lointain discours évoque l'électricité d'Edison, la tension monte, soudain rompue par une cymbale. Surgit alors un déferlement ininterrompu de variations autour du même beat, où se superposent le métal, une batterie métronomique, des jeux sur les filtres, des cup-up alignés en fond sonore, des rafales implacables. Un break-collage nous permet de reprendre temporairement notre souffle, une guitare apparaît, s'accélère, s'énerve, s'emballe, la furie rythmique reprend de plus belle, avant de se terminer en beauté par un lock groove de sirènes débridées. Sat Stoicizmo vient tout simplement d'inventer le psychédélisme industriel. « Futur Egzakni » commence comme une lointaine rumeur d'usine montant très lentement sur plusieurs minutes. On perçoit petit-à-petit tous les organes de l'usine vivante, à travers ses bruits, ses battements, ses chaînes de montage qui, par morphisme magnétiques, se transforment peu à peu en un pattern metallique et synthétique, sur fond de bruit blanc. Une accélération de bande introduit le mouvement suivant, un tragique et lancinant cri de machines et de moteurs en glissandi, luttant contre une déflagration de bruit saturé. Le tout est finalement déchiré par un montage de verre brisé, avant de revenir à une succession de patterns rituels à base de machines-outils, pour enfin finir sur un thème complexe, basé sur un écho infini et un collage de sons en mille-feuilles. Vous l'aurez compris, « Mah 2 » est une oeuvre totale, probablement l'un des plus singuliers essais bruitistes du vingtième siècle. Sat Stoicizmo joue ici dans la cour des grands groupes futuristes, aux côtés d'Esplendor Geometrico et de Vivenza.

note       Publiée le dimanche 14 mars 2010

dernières écoutes

    Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Mah 2" en ce moment.

    tags

    Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Mah 2".

    notes

    Note moyenne        2 votes

    Connectez-vous ajouter une note sur "Mah 2".

    commentaires

    Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Mah 2".

    No background Envoyez un message privé àNo background

    Merci beaucoup pour la réponse. Je vais enchaîner par Vivenza donc.

    CeluiDuDehors Envoyez un message privé àCeluiDuDehors

    Les mecs d'Autechre ont deja evoque l'influence de l'indus dans certaines interviews - Maurizio Bianchi notament - donc ca serait pas du tout etonnant qu'ils aient ete influences par Esplendor Geometrico. Certains trucs de Vivenza, peut etre encore plus qu'EG, sonnent tres "autechresque" par moment - tout l'album "Realites servomecaniques" par exemple, si c'est pas du Autechre avant l'heure je ne m'y connais pas! - avec aussi deja un concept tres "pur" et radical qui n'est pas sans rappeller les travaux les plus obtus d'Autechre. L'idee futuriste est proche de leur concept, et meme si on peut difficilement y voir une filiation directe, ca a sans doute contribue a leur son quelque part.

    No background Envoyez un message privé àNo background

    Je commence seulement à m'intéresser à ce genre de musique, mais ça m'a l'air très bon ce truc. Je continue sur Esplendor Geometrico. Le morceau 4 de Comisario de la luz (1985) me semble assez précurseur d'Autechre, quelqu'un pourrait-il confirmer ?

    Wotzenknecht Envoyez un message privé àWotzenknecht
    avatar

    Francis Dhomont meets Merzbow, surtout !

    mangetout Envoyez un message privé àmangetout

    Tout ça, à l'écrit et de prime abord, m'a l'air plus qu'intéressant surtout si on rassemble les possibles rapprochements glanés ici où là : Esplendor Geometrico, Vivenza (pour ce dernier faire plus bruitiste que lui au sens de Russolo et donc futuriste me parait difficile), FSOL et Russolo !