Fad Gadget… un drôle de trublion celui-là, souvent rangé par méconnaissance aux côtés de Human League voire Depeche Mode (dont il n’est pas moins proche dans la vie)… Alors qu’il se situait à un niveau beaucoup plus trash et sans compromis. Comme l’a déjà fait remarquer Twilight, l’homme est un performer à la limite du masochisme, plus proche de Throbbing Gristle que d’Iggy Pop. On connaît sa relation particulière avec la mousse à raser, sa manie de saupoudrer les premiers rangs de poils pubiens, moins les sévices physiques qu’il s’infligeait régulièrement sur scène, jusqu’à se déchirer les ligaments des deux jambes en 83, et continuer le concert… assis ! Plus lucide que certains, il laissera tomber le personnage de Fad Gadget peu après, continuant sous son propre nom. Ce qui est plus logique, vu que Fad Gadget était à la base un nom à la con censé faire croire qu’il n’était pas tout seul. Il trouvera donc rapidement un groupe, qui s’en ira après son premier album. C’est donc avec un tout nouveau line-up qu’il attaque ce Incontinent, deuxième opus beaucoup plus varié et sophistiqué, délaissant clairement le minimalisme de ‘Fireside Favorites’ pour un shock-rock à l’anglaise, c'est-à-dire pas chiqué, et inspiré des dérives les plus crues de l’art du happening, où Tovey avait fait ses armes. L’album s’ouvre sur le très pop Blind Eyes, qui semble revendiquer son droit de conspuer les bien-pensants tout en les faisant danser… Utilisant la métaphore des trois singes de la sagesse de Mizaru, Tovey s’en prend aux masses dormantes, s’incluant lui-même dans la mascarade qui les maintient dans leur aveuglement (‘waste your money on some fad gadget’). Ennemi du politiquement correct, il avait ici décidé, en rupture avec la minimal wave de ses débuts, de combattre la new wave hédoniste avec ses propres armes : synthés et arrangements élégants. Le même thème est exploité plus loin sur Innocent bystander : encore une chanson sur le spectacle de la souffrance humaine, contemplé par les nantis qui regardent vers le bas, bien au chaud derrière leur double vitrage, la conscience tranquille. Pas étonnant que ce mec ait fini par reprendre le ‘Men of good fortune’ de Lou Reed. L’album est riche, et les paroles toujours réfléchies et dignes d’intérêt… On regrettera juste les instrus un peu vains, surtout ce Manual Dexterity bien nommé, chiant comme un solo de batterie (devise qui remplaçait "chiant comme la pluie" dans ces années-là), où Daniel Miller, le boss de mute, et Robert Gotobed (sic) de Wire font mumuse avec des percussions pendant que Fad Gadget était parti refaire son stock de mousse à raser… Diminished Responsibilty est un peu meilleur avec son ambiance post-apo industrielle, mais la cohérence de l’album en prend un coup, puisque ces morceaux sont disséminés sans logique apparente au milieu de titres plutôt new wave, avec piano, couplets, ponts et refrains… Il n’en reste pas moins un disque intéressant, à posséder ne serait-ce que pour les singles qui s’y trouvent, chroniqués séparément.