Vous êtes ici › Les groupes / artistesAKurt Atterberg (1887-1974) › Symphonie n°3

Kurt Atterberg (1887-1974) › Symphonie n°3

  • 1999 • CPO 999 640-2 • 1 CD

cd • 6 titres • 68:18 min

  • Symphonie n°3 en ré majeur Op.10 (1914-1916) | 37:05
  • 1Soldis (poudroiement de soleil) - lento8:29
  • 2Storm (orage) - con fuoco10:37
  • 3Sommarnatt (nuit d'été) - adagio - molto vivace17:59
  • Symphonie n°6 en ut majeur Op.31 (1927-1928) | 31:06
  • 4Moderato - più vivo9:08
  • 5Adagio12:58
  • 6Vivace9:00

informations

Enregistré les 18 et 19 février 1999 au Grosser Sendesaal Hannover par Reinhold Brunotte et Helge Martensen. Producteurs executifs : Burkhard Schmilgun et hansjoachim Reiser.

Ari Rasilainen fait partie de ces chefs nordiques dont la technique orchestrale a permis de réintroduire toute une partie du répertoire scandinave dans nos bacs à disques. Son intégrale des symphonies d'Atterberg pour CPO a permis une véritable redécouverte de l'oeuvre du compositeur, que le temps avait fini par éloigner. A la suite de Jaarvi, Saraste ou Salonen, Rasilainen défend ce répertoire avec tact et puissance et un maniement expert de l'orchestre. La symphonie n°3 est ici idéalement couplée avec la n°6, la plus célèbre symphonie du suédois, tout aussi orageuse, bruyante, et bien plus anguleuse que sa grande soeur.

line up

Radio-Philharmonie Hannover des NDR; Ari Rasilainen (direction)

chronique

  • musique symphonique - romantique

Belle, violente, émouvante, la symphonie n°3 d'Atterberg est avec la "sinfonia funebra" n°5 une des oeuvres les plus sombres du compositeur. Mais elle est nettement plus séduisante. Elle est issue du premier carré de symphonies, alors qu'Atterberg croit encore à l'impressionnisme comme expression, dont il célèbrera précisément le deuil dans la "funèbre". Atterberg, figure emblématique du "scandinavisme" en musique, passa ainsi du statut d'audacieux de ses premières armes à celui de "conservateur réactionnaire" dans ses pénultièmes symphonies, finissant tout de même par se jouer de toute considération d'ordre typologique dans l'ultime et étrange "sinfonia visionaria" n°9 pour orchestre, choeur et voix solistes. Avec le recul d'aujourd'hui, il faut admettre que la n°3 n'avait déjà rien d'avant-gardiste lors de sa création en 1916, si ce n'est qu'elle révèle l'influence considérable qu'aura le scandinavisme sur tout un pan de la musique orchestrale américaine : celle qui s'exprimera plus tard sur grand écran, et dont John Williams, Horner ou Danny Elfman ne sont que les plus illustres représentants contemporains. Emblématique, symptomatique des musiques nationalistes nordiques, Atterberg connaîtra de fait un véritable succès aux États Unis. Sa symphonie n°3 raconte les rives et les visions de l'île septentrionale de Skaftölandet. Malgré la violence rare du deuxième mouvement et l'aspect fondamentalement pictural de l’œuvre, le compositeur ne déploie pas de luxuriance orchestrale; il reste contenu, économe. Quelques gonflements de pathos ravageur, mais le premier mouvement paraît finalement plutôt docile, au regard du suivant. Il démarre sur une mélodie profonde et un peu biaise, ou s'exprime par une alliance juste lointaine et sourde de cordes et de cuivres une mélancolie un peu doucereuse, si elle n'avait été aussi mystérieusement inquiète. Peu à peu, au long de premières minutes, dans la pénombre acoustique de quelques instruments qui serpentent sur les violoncelles, allumant ça et là quelques lueurs, quelques regrets, aussi, la mélodie finit par se préciser, le hautbois nous réveille, et les cordes se gonflent, plus ou moins soudainement, plongeant dans un thème mélodique de plus en plus tragique et fataliste, avant de nous laisser soudain dans le silence et l'interrogation de la mélodie initiale qui revient. Atterberg part alors dans un chant mélancolique et affligé, aux harmonies pleureuses, en jouant d'une légèreté acoustique contrastée d'épaisseurs sourdes pour raffiner son discours. Allant et venant de la nostalgie discrète au lyrisme passionné, "Soldis", "Poudroiement de soleil", nous mène tout doucement d'émotions fugaces en soupirs plus chargés, et nous dépose aux portes de l'"orage". Con fuoco! Con acqua, surtout... un mouvement absolument incroyable qui vous roule dessus pendant plus de dix minutes. Alternant des passages particulièrement virulents, chaque fois plus longs, et de soudaines suspensions au silence, chaque fois plus rares, le "storm" de Atterberg mettra à genoux, et en tout romantisme, même les plus wagneriens ou stravinskiens d'entre nous. La mélodie double des deux violons qui chantonne entre chaque tempête est assez merveilleuse, mais peu importe. Au début on s'en amuse volontiers de cette peinture si littérale de la tempête, bien romancée après l'extrémisme d'un Bruckner ou les déchirements apocalyptiques de Mahler... mais ce n'est ni par l'ampleur déraisonnable de ses gouffres harmoniques ni par l'expressionnisme exacerbé et sublime de ses mélodies qu'Atterberg va finir, bel et bien, par t'écraser au sol. C'est à force de t'envoyer son orchestre à la gueule, qui s'époumone encore et encore à t'en ouvrir la tête en deux dans des ouragans de musique tragédienne qui semblent ne jamais vouloir s'arrêter... au début ça fait sourire... puis la houle commence à insister... à la fin, ça ferait presque vomir. Atterberg installe un ressac qui démarre par un coup de timbales d'où partent des cordes descendantes, des aigus effleurés jusques aux graves écrasés par l'archet, intensifiant, gonflant le son à mesure qu'il chute dans les profondeurs, créant ainsi une vague qui s'élance depuis l'horizon invisible pour nous fondre dessus avec toute sa puissance... en cinq, puis bientôt en deux, puis en une seule petite seconde. Et ce ressac est permanent. Une vague, et une autre, et une autre, sans interruption et sans faiblesse, une toutes les secondes qui monte et qui descend, qui t'inspire et t'expire avec la régularité terrifiante et suffocante d'une force qui nous dépasse. Là dessus les cuivres te pétaradent des thèmes pré-hollywoodiens à t'en retapisser l'oreille interne, les trompettes vrillent comme des cornes de narval... et tout cela est si fort, si insistant, et si inconfortable à force de conviction, que toi : t'es en plein dans le film. Et t'as le mal de mer. Les deux violons sont revenus avec leur mélodie délicieuse, l'orage a disparu... et toi t'as la nausée. Et là tu sens le vent qui se lève à nouveau, le ciel redevient noir, ça souffle de plus en plus fort et l'équipage court dans tous les sens pour éviter le pire; car t'en avais pas envie, mais le pire revient. C'est à la fois très simple, primaire sans doute, et implacable. Ça use et abuse du mélodisme ténébreux avec une conviction presque vulgaire qui participe, très largement, à la puissance de l'excès. Car Atterberg, ensuite, va aussi nous prouver sa délicatesse, sa finesse mélodique et sa grâce harmonique dans le merveilleux troisième mouvement, une longue contemplation mélancolique, agitée par le vent, à la beauté désarmante et aux recoins sombres, à la poésie sucrée, ou quelques envolées de lyrisme poignant viennent souffler dans les arbres. Il y a dans cet adagio des mélodies solitaires de bassons et de flûtes absolument magnifiques, des soupirs à la profondeur étouffante, et une aurore centrale qui vous fera pleurer. Plutôt que dans la vigueur et l’énergie parfois débordante de son œuvre symphonique, c'est bel et bien dans ce relatif dépouillement instrumental, et la richesse des timbres qu'il développe pourtant, qu'Atterberg se montre grand, tout au long de ces paysages de vibrations acoustiques et de mélodies tristes (où culmine tout de même une petite bourrasque de derrière les montagnes), avant de se lancer dans un ultime bouquet d'exaltation passionnée, tour à tour enjouée et bucolique, et finalement violente. Fantasque, tour à tour rude et délicate, la symphonie n°3 s'attarde dans la pénombre d'un soleil de minuit, dont elle conte les lueurs, les ombres et les reflets, tout en imposant le plus épouvantable des voyages en Drakkar.

note       Publiée le dimanche 17 janvier 2010

dernières écoutes

    Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Symphonie n°3" en ce moment.

    tags

    Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Symphonie n°3".

    notes

    Note moyenne Aucune note pour ce disque pour le moment. N'hésitez pas à participer...

    Connectez-vous ajouter une note sur "Symphonie n°3".

    commentaires

    Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Symphonie n°3".