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Maurice Ravel (1875-1937) › Concerto pour la main gauche en ré majeur

cd • 12 titres • 55:45 min

  • Concerto pour piano et orchestre en sol majeur (1931) | 22:04
  • 11.Allegramente8:44
  • 22.Adagio assai9:23
  • 33.Presto3:57
  • Valses nobles et sentimentales
  • 4I.Modéré
  • 5II.Assez lent
  • 6III.Modéré
  • 7IV.Assez animé
  • 8V.Presque lent
  • 9VI.Assez vif
  • 10VII.Moins vif
  • 11VIII.Epilogue : lent
  • Concerto pour la main gauche en ré majeur (1931)
  • 12Lento-andante-allegro-tempo I18:07

informations

Enregistré au Colosseum, Hall principal, juillet 1996 par Reinhard Lagemann, Produit par Helmut Burk; Producteurs executifs : Roger Bright, Dr. Marion Thiem

Autant le dire clairement : Zimerman, et avec Boulez derrière, pour trouver mieux je vous conseille de bien, bien, bien chercher...

line up

Krystian Zimerman (piano) ; London Symphony Orchestra; Pierre Boulez (Direction)

chronique

  • musique concertante/impressionisme-xxièm

C'est une chasse, une traque et un duel. Et c'est la guerre. Composé pour un pianiste ayant perdu l'usage de son bras droit, le concerto en ré majeur raconte l'histoire d'un seul, qui se dresse contre une armée, une époque, contre un destin. C'est une chasse, une traque, et c'est la guerre; c'est l'histoire d'une main gauche qui fait entendre sa voix; une main seule contre que des centaines d'autres, qui tentent, chaque fois un peu plus, de la réduire au silence. Les unes sont sévères et ordonnées, l'autre est sensible, passionnée, virtuose à l'extrême et violemment indépendante. Mais même si la beauté exceptionnelle de cette oeuvre tient notamment à son déroulement, qui alterne, confronte et oppose les longs moments de piano seul à leur réponse orchestrale, cette sous-tension "programmatique" ne saurait contenir sa fascinante portée musicale. Il s'agit, à mon très humble avis, d'une des pages les plus magistrales de toute la littérature pour piano et orchestre, et Lemmy sait à quel point celle-ci est riche en quantité comme en chefs d'oeuvre. Des longues plages de piano, des minutes d'une richesse harmonique hypnotique, sensuelle, où la virtuosité sert de mode expressif, et dans lesquelles on se perd comme dans une histoire, un pays sauvage ou un rêve. C'est d'ailleurs bien là l'inconcevable exploit d'écriture (et d'interprétation!) de cette oeuvre, dont il est à l'écoute tout simplement impossible de se rappeler, ou même d'accepter, qu'elle ne se joue qu'à une main. La main gauche, celle des graves, la main tonnerre, celle qui s'abat. Impossible de s'en rappeler, oui, car dans ces 18 minutes se trouvent précisément les fontaines célestes pour aigus seuls parmi les plus émouvantes, belles, les plus subtiles... les plus millimétrées; dans ces 18 minutes se développent des montées volcaniques de piano depuis les abysses les plus noires et dont notre sol gronde, jusqu'aux cieux immaculés les plus vifs et multicolores; dans ces 4 mouvements se joue une des confrontation parmi les plus parfaitement orchestrées qui soient; dans ce concerto s'expriment des harmonies impressionnistes d'une richesse captivante et des ruisseaux mélodiques complexes à tomber par terre. Donc, non, impossible de vous rappeler la situation technique du soliste, inutile de replacer ce combat dans sa perspective pathologico-historique : la partition rend le plus grand honneur à son commanditaire en étant, justement, pure musique. La musique vient d'abord du silence... loin, sourd, et à la noire opacité. Dès le début, pourtant, si l'on regarde bien tout au fond des ténèbres... un rythme couve... imperturbable... une pulsation. Le rythme, de fait, sera le principal chasseur durant le duel de l'allegro, mélange de ballet de séductions sur pulsations shaman, d'accès d'orgueil belliqueux, et d'observations félines entre les deux adversaires. Le hautbois reptilien entame une danse d'hypnose, d'un charme vénéneux et narcotique, où l'on retrouve le compositeur aux fragrances orientales et aux mélodies sorcières, le piano à son tour cherche à séduire l'orchestre avec les méthodes venimeuses des intrigants les plus subtils. Les flûtes iront même y déployer durant quelques mesures un langage optimiste, totalement interdit durant tout le déroulement de l'oeuvre à chacun des membres de l'orchestre; un orchestre dont l'allegro sera aussi le terrain ouvert à la plus impitoyable des puissances, aux levées les plus violentes et funestes. La seule joie éventuelle, les seules lumières heureuses de ces 18 minutes viendront par le piano, au détour d'un envol, lors des longs monologues. La beauté, la grâce de ce soliste qui se relève, après cet ultime ouragan, cet acharnement dévastateur d'un orchestre hurlant, qui sort de l'allegro comme un homme au corps brisé, seul à moitié debout sur une terre morte et en cendres... ce chant, moribond, qui se reprend et s'anime, et qui dans la solitude du silence finit par s'envoler de mille notes miraculeuses, à la tristesse si belle qu'on ne peut que sourire et pleurer... si il existe une minute de musique sur terre qui évoque la douceur et la solitude d'un flocon de neige, elle se trouve dans la dernière partie de ce concerto de Maurice Ravel. Alors, non, la question n'est pas vraiment de savoir comment on peut ainsi jouer 312 notes avec 5 doigts. La question, c'est bien plus de savoir comment le compositeur a pu dessiner de telles dentelles, de tels parcours mélodiques miraculeux, où a-t'il bien pu creuser pour extraire ces accords, dans chacun desquels se cachent des paysages entiers, d'où lui vient cette rage avec laquelle il arrive à faire gronder un piano seul avec la profondeur, la résonance et la masse d'un orchestre au complet... et dans quel élan a-t'il trouvé enfin l'exigence de ne pas se satisfaire de tout ça, et de s'imposer la plus juste, la plus habile des constructions, la plus savante pratique, pour faire du déroulement de ces 18 minutes la clef d'or qui ouvre les portes de la perfection? Oui, ce sont là quelques unes des questions que l'on peut se poser lorsque, comme moi, on entreprend de rédiger une chronique de cette oeuvre sublime, merveilleuse et diabolique. Questions que je ne me pose heureusement que depuis quelques jours, et par obligation, après des années d'amour pour ce concerto... et dont les réponses n'ont finalement que peu, très peu, d'intérêt. Cette chronique ne rend pas compte de ce mélange de technique, de beautés, de rage, silences et équilibres; elle n'arrive pas à dire l'émotion qui s'en dégage... alors j'arrête là, et je retourne à mes enceintes...

note       Publiée le vendredi 15 janvier 2010

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    commentaires

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    WZX Envoyez un message privé àWZX

    Quelles parties de piano solo sublimes... J'ai un peu de mal avec cette espèce d'allegro très rythmé dans la partie centrale, qui sonne un peu désuet/cliché à mes oreilles, mais pour le reste c'est un ravissement ce concerto (que je connais moins que son alter ego, ou que le fabuleux Gaspard de la Nuit).

    Sheer-khan Envoyez un message privé àSheer-khan
    avatar

    Samson François, évidemment, tu as tout à fait raison... c'est à lui que je confie l'oeuvre pour piano seul. Ta déception provient sans doute de l'aspect forcément mécanique de la paire Zimerman/Boulez, Cluytens/françois oeuvrant dans la sensibilité d'abord et avant tout.

    Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

    J'attendais énormément de cette version, sans doute trop. Une grosse déception. Je reviens toujours à Cluytens/Samson François. l'oeuvre en elle-même est absolument sublime.