Bérurier Noir › Viva Bertaga

C'était l'époque de 'Touche pas à mon pote', celle où les jeunes ados suisses que nous étions allumaient des bougies derrière leur fenêtre pour protester contre la venue de Le Pen sur un plateau de TV hélvète, un temps où les 'racailles' n'existaient pas, un temps où à l'instar de CRASS, Bérurier Noir et leurs potes avaient adressé un vrai doigt d'honneur à l'industrie du disque en montant des structures indépendantes. C'était il y a vingt ans que prenait fin cette utopie avec une série de concerts d'adieu du groupe à l'Olympia (imaginez le symbole pour le mouvement keupon)...'Viva Bertaga' est le témoignage ultime de cette rage, de l'urgence d'une révolte déjà à l'agonie, quand François criait à propos des votes pour le FN: 'Plus jamais de 20%', 'Nous sommes noirs, nous sommes blancs, nous sommes jaunes et ensemble nous sommes de la dynamite !'; quel bonheur c'était de frissonner en entendant le public scander 'La jeunesse emmerde le Front National !' Quelle énergie dans cette boîte à rythmes bon marché qui balançait ses rythmes binaires, quelle noirceur dans ces riffs gresillants et cette voix qui laissait à croire que tout était possible...Quel bon bordel sur cette scène tout de même, ce défilé de tubes ('On a faim', 'Petit agité', 'Macadam massacre', 'L'Empereur Tomato Ketchup', 'Ibrahim'...) et cette reprise du 'If the kids are united' de Sham 69...On me reprochera cette nostalgie amère dans mes chroniques de Bérurier Noir et avec raison...Je suis effectivement un brin désabusé, la jeunesse devient coincée, organise ses propres ghettos, les nationalismes sont présents partout, les philosophies alternatives meurent ou se radicalisent...Désabusé, vraiment ? Non pas totalement car si 'Viva Bertaga' représente la fin d'une époque, le cri d'alarme des Bérus résonne toujours et chaque fois que je le mets dans ma platine, l'excitation est la même et l'on se dit que aussi dur que puisse être le combat, il en vaut drôlement la peine...'Viva Bertaga', c'est ça aussi, 'Les Béruriers sont les rois !'