Arckanum › Antikosmos

Ce disque est forcément une déception. Non pas que Arckanum soit à mes yeux un projet "parfait", mais il était incontestablement unique. Et ce qui pêche ici n'est pas simplement la baisse d'inspiration, car elle reste fréquemment largement acceptable, mais surtout un chute cruelle de l'originalité de la musique de Shamaatae. Plus linéaire, moins terreux, le nouvel album du suédois ne possède plus cette aura indéfinissable, sorcière et crue, particulièrement maléfique. Et puis il aura fallut l'attendre 10 ans! Seulement voilà, la déception a beau être là, la mauvaise foi toujours prête à être soulagée, il faut malgré tout reconnaître que "Antikosmos" est un des meilleurs albums de vrai black metal sorti ces trois ou quatre dernières années (ce qui n'est pas, non plus, très très difficile). Pas de doute, le riffing est bon : mid-tempo misanthrope, triples croches black metal à base de magie noire; la voix reste la même et les narrations à l'accent surligné toujours aussi rictussogènes; et même si le bonhomme a perdu en folie dans son sens musical, il continue à ourdir dans ce monde épuisé du true black metal des mélodies et des accords toujours évocateurs, qui nous imprègnent durablement. Dans la lignée de "Kaos svarta mar", la production a désormais acquis une puissance raisonnable; charbonneuse et criarde à la fois et mettant en valeur les gonflements harmoniques des rencontres basse/guitares. Mais même si on reconnaît dans la structure incongrue d'un titre comme "Su vitran" les égarements pathologiques du sorcier des bois, ses errances atmosphérico-malades et son odeur d'humus, même si "Daudmellin" est du Shamaatae de tradition avec son riffing de black occulte et furieux ininterrompu et ondulant, même si Formala viens de te fermer l'album avec un mépris réjouissant, tout en violence et haine retenues dans son tempo pachydermique, on ne peut s'empêcher d'avoir une pensée émue pour ces fascinants voyages que furent les trois premiers Arckanum. Il est donc particulièrement difficile, pour votre serviteur en tout cas, d'apprécier "Antikosmos" à sa juste valeur. Mais que ça ne m'empêche pas de vous le recommander chaudement, comme une valeur sûre du black metal furieux et primitif ( mais certainement pas primaire), sournois et malveillant, et par laquelle Shamaatae arrive toujours à ouvrir les portes d'un ailleurs étranger et fascinant.