The Sugarcubes › Life's too good

Bien que nous tenions probablement là le premier groupe à avoir signalé au reste du monde que l'Islande existait et que les virus du punk et du rock l'avaient contaminée, je n'ai jamais été spécialement fan des Sugarcubes, exception faite de ce premier album qui reste leur meilleur à mon goût. La raison en est simple, il est le plus marqué par les restes post punk qui caractérisaient les précédents projets des musiciens. Ecoutez donc 'Traitor' et surtout le génial 'Sick for toys'; nous nageons dans un post punk goth dont les guitares ne sont pas sans évoquer le U2 des débuts. L'étrange atmosphère de 'Birthday' (sorti d'abord sous le nom de 'Ammæli'), tant dans les textes que la musique, évoque quelques miettes du mysticisme de K.U.K.L. Pour le reste, le groupe propose une intelligente combinaison entre rock indie un brin torturé et pop intelligente avec quelques curiosités telles que 'F***ing in rythm and sorrow' construit sur une rythmique quasi jazzy, les cuivres bien kitsch du refrain de 'Motorcrash'. L'identité même des Sugarcubes repose sur la dualité vocale entre Björk et Einar Örn; ce dernier ayant délaissé la folie de Purkkur Pillnikk opte pour un ton froid, récité, tandis que Björk explose littéralement. Son timbre si particulier et émotionnel donne une certaine consistance aux titres les plus anecdotiques ('Delicious demon', 'Blue eyed pop') et confère une atmosphère particulière à ce qui aurait pu rester de simples bons titres ('Coldsweat'). L'intérêt du cd est aussi de nous offrir de croustillants bonus tels que 'Dragon' (chanté en icelandais), 'Take some petrol darling' ou 'Cowboy' dont la noirceur hantées évoque l'époque K.U.K.L. On peut également se pencher sur les textes relativement barrés, un brin malsains avec leurs doubles sens (une rencontre avec Dieu, un suicidaire qu'il faut empêcher de se supprimer, une fascination pour les accidents de moto...). Le groupe n'a pas encore bridé cette folie toute islandaise et l'atmosphère spéciale qui en résulte; du coup 'Life's too good' prend tout son sens dans le paysage musical de l'époque . Libre des codes d'une intelligentia européenne ou américaine, il s'affirme comme un OVNI plein de fraîcheur et d'originalité. 4,5/6