The Royal Family And The Poor › Songs for the children of Baphomet

Mike Keane est un artiste touchant de sincérité et, oserais-je le dire, de naïveté. Qui donc oserait en 1999 sortir un album entier dédié à Aleister Crowley ? Et surtout qui oserait le faire en utilisant des synthés typés new wave 80's (avec faux cuivres, basse et voix 'ouououoh') ? Si 'Songs for the children of Baphomet' débute sur des auspices plutôt anachroniques, il faut néanmoins le replacer dans son contexte. Après avoir sorti deux albums chez Factory, Mike s'en est allé car peu satisfait de l'investissement du label dans son oeuvre; il signera provisoirement sur le label de Bourbones Qualk avec qui il a sympathisé avant de créer sa propre structure, Gaia Communications. Il sortira un troisième disque aux ventes correctes mais la faillite de son distributeur, un projet avorté de compilation avec Coil et Sleep CHamber vont le plonger dans les problèmes financiers. Son home studio et son matériel seront saisis et l'artiste devra renoncer à la musique pour plusieurs années. En 1995, il récolte assez d'argent pour se payer un PC et découvre les possibilités d'Internet; enthousiasmé, il décide de relancer son label. 'Songs for the children of Baphomet' est donc un disque très personnel ('Gaia Communications is proud to present...', tout de même) et important pour Mike: rendre hommage à celui qui a influencé toute la démarche de The Royal Family and the Poor, ressortir un disque après tant d'années de galère, entièrement à sa manière, comme en témoigne le soin du livret avec les textes, des explications, des photos de Crowley et même des dessins de Mike lui-même. Voilà pour les circonstances mais cela ne doit pas dispenser d'être critique vis-à-vis du disque, qu'en est-il donc ? Très apaisé et spirituel, comme une sorte de new wave new age...Il inclut plusieurs pièces atmosphériques aux sonorités spatiales, avec vocaux en arrière-fond ('Lord of the stars', 'Hymn to the goddess'), usage de récitation du maître lui-même ('Therion') mais je mentionnerai d'emblée mes deux chansons favorites, 'Flaming sword', assez rituelle dans ses climats, et l'excellente 'When the shadow falls', cette dernière typique de l'écriture de The Royal Family and the Poor; voilà un morceau très new wave pas si éloigné de INXS à leurs débuts, avec slaps de basse, nappes de clavier, vocaux passionnés, qui aurait sans problème passé en radio dans les 80's, exception faite de ses textes ésotériques. Parfois, Mike se hasarde dans des atmosphères ethniques (les percussions de 'The 11th path', 'Always 718' chanté en langage phonétique selon un arrangement spécifique de l'alphabète anglais selon des pratiques de magie 'thelemique', les cymbales de 'Song of Babalon') qui collent bien à l'aspect mystique baignant ce disque. L'ensemble sonne plutôt réussi malgré d'indéniables longueurs comme 'Magickal childe' dont le côté hypnotique et répétitif ennuie franchement; pour le reste, il faut faire abstraction des slaps de basse synthétique, de certains faux cuivres ('Therion', 'Always 718') et autres claviers un brin new age ou alors imaginer que cet album est sorti en 86 et non en 1999. Mike a pourtant une arme, sa sincérité; il met tellement de lui-même dans sa création qu'on se laisse facilement gagner par ces atmosphères mi-psychédéliques mi-new wave légèrement surannées...Vous voilà prévenus néanmoins. 3,5/6