Phiiliip › Pet Cancer

Sortis de nulle part, cet artiste et ce disque réclament toute votre attention. Un nom insolite, une pochette dérangeante, un titre malsain, la publication de l’objet sur American Patchwork, le label de Momus : il n’en fallait pas plus pour piquer ma curiosité. Lors des premières écoutes, la déception l’emportait, mais quelque chose d’anormal, de déviant me donnait envie d’y replonger… Une curieuse déviance, à l’image de son patronyme : Phiiliip. Bien que tout aie l’air normal au premier regard, y’a quelque chose qui cloche, le nom n’est pas comme il devrait être, tout comme la musique. Oui… à y regarder de plus près, on est encore face à un névrosé, un cas clinique, un freak. Ici ce serait plutôt le genre Syd Barrett en mode dub et electro minimal avec prise de son moisie, si vous voyez où je veux en venir. Phiiliip construit des chansons d’inspiration folk pour la plupart, bâties sur des rythmiques cheap, et recouvertes de bidouillages électroniques, de sons incongrus, dissonants, qui parasitent et empêchent le bon déroulement des choses. Les mélodies sont souvent accrocheuses en fait, mais les sons qui viennent se greffer dessus rendent l’écoute inconfortable, malaisée. Un psoriasis électronique qui grignote les mélodies, les harmonies, un cancer même, une tumeur qui ronge la musique de l’intérieur et l’empêche de respirer. Une subtile névrose, sortie de l’esprit d’un jeune blondin au physique de surfer, certes, mais qu’on imagine cloîtré dans sa chambre, recroquevillé derrière son bureau d’écolier et ses bocaux remplis d’insectes, à griffonner des poèmes bizarres à longueur de journée avant de les chanter d’une voix fragile et maladroite sur ses instrumentaux chelous. A l’écoute de ce Pet Cancer, on pense beaucoup au second du Velvet, dont l’influence est palpable sur l’ensemble du disque (surtout dans un morceau comme "Lazerkix"), mais aussi aux premiers Smog, pour l’autarcie et les tics obsessionnels compulsifs ("Pet Cancer", "Christ, The Manatee"), à Pere Ubu, un petit peu ("Divine Liquor", digne des ballades de Dub Housing) ou à un Beck qui se serait fait violer par les Residents entre deux séances de psychothérapie chez Genesis P-Orridge – pour les passages les plus malsains ("Lacuna Blues", "Jizz Rat"). On pense à pas mal de choses, mais tout reste à l’état de supposition, d’impression. En fait ce qui rend Pet Cancer si singulier c’est ce sentiment permanent d’autisme, cette sensation d’intimité violée aussi, l’intimité de l’ado mal dans sa peau et replié sur lui-même, que sais-je, il faudrait peut être soumettre le dit objet à un psy… Pénible disque, ce "Cancer de l’animal de Compagnie" provoque un sentiment inexprimable, entre la curiosité et le dégoût. Ceux qui s’attendent à quelque chose d’ouvertement sombre iront au devant d’une grande déception : il n’y a rien de tel dans cet album, rien qui n’aie la volonté de faire peur ou d’impressionner par la noirceur, la violence, l’émotion… Seulement un inconfort permanent, une maladresse calculée, un miasme désagréable qui s’ingénie à désamorcer le potentiel émotionnel des morceaux. Je le recommande à ceux qui aiment les trucs vraiment tordus, sans promesse de trip au bout du compte. Pet Cancer puise tout son intérêt dans la frustration et le malaise qu’il engendre. Rien de plus.