Eddie Vedder › Music for the motion picture Into The Wild

"Into The Wild". Pour moi LA grande claque de ce début d'année.
Après avoir seulement réalisé sur plus de quinze ans trois films et un court-métrage n'ayant pas forcément marqué leur époque, Sean Penn a scénarisé et réalisé en 2007 une splendide adaptation du roman du même titre de Jon Krakauer, écrit sur la base d'une histoire vraie. Le véritable hymne à la nature d'un jeune diplômé qui plaque tout pour partir seul et sans rien à la découverte de son environnement, à l'univers éperdument riche, au casting excellent, et au scénario construit revêtant un caractère initiatique des plus poignants. Créant alors le composant musical essentiel et indissociable de la magie de l'oeuvre, Eddie Vedder, guitariste/chanteur de Pearl Jam et ami de longue date de Sean Penn, s'est attelé à l'exercice difficile d'appuyer presque seul les mouvantes atmosphères des joyaux vierges de son pays. Un pari audacieux gagné à 100%. Son parti-pris de discrétion et de simplicité ne fait que renforcer la puissance de l'image, et il en résulte une OST aux couleurs homogènes, égrénant avec classe le strict nécessaire. L'album se penche tout d'abord sur de prenantes chansons roots de road-movie, qui fleurent bon le voyage sableux bluesy. Puis ses couleurs se raffinent, l'intimisme se développe, la complicité avec l'auditeur/spectateur se met imperceptiblement en place. La voix de Vedder est suave, rassurante, porteuse d'une chaleur à peine enrouée par son timbre légèrement nasillard. Elle occupe avec style une trame guitare/banjo acoustique folk à la prise claire et scintillante, qui fait briller de mille feux la naturelle mélancolie (au sens propre) de reliquats country/rock sudiste très, mais alors très inspirés. Sensible, élégante, apaisante, cette guitare sublime les paysages à l'écran de sa merveilleuse justesse candide, elle glisse rapidement comme des remous dans une rivière dont le lit est la tranquille puissance du chant. L'assurance et la force des chansons, aux rythmiques et refrains souvent proches de Pearl Jam ("Far Beyond" et ses influences grunge, ou sa reprise de "Hard Sun" de Indio et son flottement vers les guitares électriques, format et toucher rappelant les ballades du groupe américain), trouvent de quoi se ressourcer sur "The Wolf", véritable cri du coeur clavier/voix. Toute en nuance, pleinement contemplative, la musique de Vedder nous accompagne à chaque décor, semble nous parler, nous montrer comme si les images ne suffisaient pas la beauté américaine à son état naturel. Assurément, une boule dans la gorge ne tarde pas à grossir devant cette mise à nue douce et gracile, ces flottements d'arpège dont les notes sont autant d'oiseaux s'envolant vers l'immensité poétique des régions observées. La larme à verser tombera forcément à "Guaranted", son fatalisme délicatement rythmé oppose l'état de l'homme face à la nature qu'il foule, le premier dans sa précarité, la deuxième dans son infini troublant. Transcendant son monde sur trois accords chaleureux de réconfort devant le sentiment de n'être rien au pied de paysages si fascinants, le morceau achève ainsi une aventure dont on se remet difficilement.
Impossible d'imaginer une meilleure OST pour ce film d'excéption. Imagée, pertinente et de très bonne facture en elle-même, rappelant agréablement Pearl Jam tout en s'en démarquant, il est inutile de mentionner qu'elle ne prend totalement son volume qu'accompagnée de son support visuel.