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John Cale › Fear

  • 1974 • Island 9301 • 1 LP 33 tours

cd • 9 titres

  • 1Fear is a Man's Best Friend
  • 2Buffalo Ballet
  • 3Barracuda
  • 4Emily
  • 5Ship of Fools
  • 6Gun
  • 7The Man Who Couldn't Afford to Orgy
  • 8You Know More Than I Know
  • 9Momamma Scuba

informations

Produit par Brian Eno et Phil Manzenera.

Cet album est inclus en intégralité dans la compilation The Island Years.

line up

John Cale (chant, claviers, violon, guitare, basse), Brian Eno (claviers), Phil Manzanera (guitares), Liza Strike (voix), Richard Thompson (guitare), Brian Turrington (basse), Archie Leggett (basse), Fred E. Smith (batterie), Michael Desmarais (batterie), Irene Chanter (voix), Doreen Chanter (voix), Judy Nylon (voix)

chronique

Qu’ils fassent péter leurs coupes de champagne tous ces cons, qu’ils se fassent la bise en se promettant mille bonheurs et en s’envoyant tous leurs meilleurs vœux à la noix… rien à foutre, je les évite parce que je les crains. Les gens me font peur, oui, et la peur est le meilleur ami de l’homme, c’est John Cale qui me l’a dit. Hein ? Ah oui… pardon… Vous voulez sans doute que je vous parle de cet album au lieu de vous raconter ma vie et de vous faire part de mes états d’âme. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise moi ? J’ai rien à dire sur ce disque, il suffit d’écouter… Quoiqu’en me forçant un peu, peut être que je parviendrai à m’arracher quelques lignes descriptives. Allez, on va essayer. Celui qui fût assurément l’entité la plus sombre et expérimentale du Velvet Underground a offert avec Fear son album le plus significatif, dans une discographie inégale mais parsemée d’œuvres difficiles, débutée sous un style pop et progressivement métamorphosée pour finir par s’inscrire dans la continuité des albums du groupe qui a pondu Sister Ray. La présence de Brian Eno reste discrète mais très effective comme souvent (à l’époque ça n’avait rien de surprenant), et Cale nous offre neuf perles absolues, à la fois fragiles et dures. A la fois légères et graves. Les trois notes d’introduction de la chanson éponyme restent à jamais gravées en nous dès l’instant où on les entend, tout comme cette mélodie de piano hypnotique qui revient sans arrêt. Eternel morceau aux paroles lourdes de sens, qui s’achève sur les hurlements de Cale et les contorsions d’une basse à l’agonie. Plus rock que Paris 1919, Fear est aussi plus sombre, même s’il n’en a pas l’air. Musicalement, il distille un charme étrange, entre flambées lyriques et lignes apaisées, parsemées de sonorités vicieuses mais discrètes (claviers limbiques, riffs écorchés, stridences éphémères), comme une menace constante qui rappelle que l’ami John, s’il reste un immense artiste pop, est aussi un amateur de cacophonies… le féroce "Gun" concentre en lui toute cette frustration de dissonances, de fureur noisy propre à l’artiste. Les autres titres sont comme des ritournelles empreintes de mélodies sucrées, où les claviers sont prédominants, et les arrangements d’un raffinement extrême… L’étrange "Ship Of Fools" ressemble à une chanson de Noël mais distille quelque chose d’empoisonné. Plus cru, "Barracuda" - avec son violon martyrisé par Cale - évoque le Velvet de WL/WH, tandis que l’éternelle ballade "Emily", portée par le bruit des vagues, évoque l’apaisement de l’homme qui attend la mort. Le disque s’achève sur un "Momamma Scubba" country/blues et sautillant qui nous redonne le sourire… mais pour combien de temps ? Beaucoup plus facile d’accès que les premiers disques du Velvet et que bien des œuvres postérieures de John Cale, Fear réussi un mariage qui force le respect : accoupler une pop accrocheuse et lyrique dans la tradition british façon Supertramp ("The Man Who Couldn’t Afford To Orgy" ou "You Know More Than I Know"), avec le désir d’expérimentation cher à ce disciple de la musique répétitive. Fear n’est pas un album triste, ce n’est pas non plus un album gai, même si ses airs enjoués en tromperont plus d’un. Il s’agit simplement d’un disque de vie, sincère, sans masque ni fard. La voix crue et éraillée de Cale ne ment jamais... Les ombres chinoises se baladent sous mes yeux attentifs, je vous parle en direct d’un huit-clos nommé cuisine, recroquevillé contre le coin du mur, accroupi, tremblotant, tirant sur ma clope comme un dératé, avec les chorus aériens « sleeping in the midday sun » de "Buffalo Ballet", qui tournent en boucle au fur et à mesure que l’empreinte de mon dos en sueur s’incruste dans le papier peint. Né sous une bonne étoile, Fear pourrait être la vôtre. Bien entendu, comme je l’écoute en ce moment même, je peux vous dire qu’entendre ce grand classique avec à chaque fois cette impression de le découvrir, toujours aussi frais et beau, me force à lui mettre une note maximale qu’il mérite non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il provoque au fil du temps : cette petite lueur rassurante qu’il implante en nous, qui fait qu’on repense à lui dans les moments difficiles, comme lorsque l’angoisse de ne pas réussir quelque chose de sa vie nous tenaille le ventre au beau milieu de la nuit, ou qu’une salope qu’on croyait respectable a fini par nous écrabouiller comme un cloporte… Ce disque est un cataplasme a appliquer sur les plaies béantes de l’âme, du cœur, des tripes. Ne passez pas à côté. Et regardez John droit dans les yeux pendant que vous l’écoutez : la pochette est aussi faite pour ça.

note       Publiée le mardi 1 janvier 2008

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Note moyenne        14 votes

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Raven Envoyez un message privé àRaven
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On peut appeler cela merveille, cher enfant.

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Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

Ship of Fools c'est quoi ce truc ???

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E. Jumbo Envoyez un message privé àE. Jumbo

Je découvre John Cale avec cet album et en effet il a vraiment un truc à part. L'influence d'Eno fait beaucoup pour moi mais les chansons sont tout simplement excellentes. Il n'est pas très impressionnant au premier abord mais on y revient toujours, je me délecte déjà de le voir m'accompagner pendant des années...

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Raven Envoyez un message privé àRaven
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Toujours aussi frais et merveilleux... En fait, unique. Ceux qui aiment (mettons) les premiers Roxy Music, Leonard Cohen et Neil Young seraient malavisés de passer outre.

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DesignToKill Envoyez un message privé àDesignToKill

Je le redis : toujours aussi bon un an plus tard

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