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Iggy Pop › Avenue B

cd • 13 titres

  • 1No Shit
  • 2Nazi Girlfriend
  • 3Avenue B
  • 4Miss Argentina
  • 5Afraid To Get Close
  • 6Shakin' All Over
  • 7Long Distance
  • 8Corruption
  • 9She Called Me Daddy
  • 10I Felt The Luxury
  • 11Español
  • 12Motorcycle
  • 13Facade

informations

Septembre 1999

chronique

  • autoportrait

Je vous présente James Newel Osterberg Junior. James, c’est le type qui se cache sous la peau du vieux lézard que vous connaissez sous le nom d’Iggy Pop… Iggy Pop, c’est une invention, un concept si vous préférez. La génération punk a beau lui avoir léché le cul, on a beau en faire des tonnes sur les Stooges « Ouaaais, Funhouse c’est mortel et pis c’est du blues métallique à fond tu sais, c’est sauvage ça tue blablabla », mais y’a une chose qu’est sûre mes louloutes : l’Iguane, ça n’est pas un homme en vrai. C’est une légende, une création, une espèce de concept sauvage et débridé né dans la tête d’un gamin un peu fou qui rêvait de faire pareil que Morrison : secouer sa bite devant un parterre ahuri. Un reptile qui gueule et qui crache, qui bave et qui pisse, un reptile qui s’est camé jusqu’à en crever, et puis qui a été pris sous l’aile protectrice de Bowie (et re-motivé par lui), pour chanter La Luxure à Vie et consort… Un type qui a tout fait et pas toujours ce qu’il voulait donc, en bien ou en mal, peu importe… Iggy Pop, il est marrant, il fait un peu peur, il gueule fort, il aime montrer son corps tout en nervures, mais c’est un objet, purement charnel, qui gémit et qui hurle… Ouaip… Parce que derrière ce concept d’Iggy Pop, pleinement sensitif, y’a un homme, une âme, un esprit, un cœur qui respire et qui vit. Et moi cette âme, elle m’intéresse bien plus que ce bout de barbaque gesticulant sur scène comme un damné… J’sais pas si c’est un mec bien, le James, mais c’qui est sûr c’est qu’il ressemble pas vraiment à l’image qu’il se donne depuis quarante ans maintenant. Il ressemble à Iggy sur quelques points seulement, et pour le reste, il est aux antipodes. Iggy aime Keith Richards, Jim Morrisson et la sauvagerie rock’n’roll. Iggy est entouré de monde qui crie autour de lui, et l’adule. James, lui, aime Sinatra. James est tout seul à la maison, tout seul avec sa bitte, tout seul avec ses souvenirs. James chante pour calmer la douleur qui alourdit son cœur, pour tourner sa carrière en dérision, pour se regarder, en face, il chante pour se créer un miroir… Les chansons de crooner qu’on use jusqu’à l’os, il aime ça. Il aime pousser la chansonnette quand il se retrouve tout seul dans la salle de bain, il aime les ambiances intimistes, secrètes, et les petites ballades tristes et fauchées, au détour d’un vieux speech cradoque… James, il en a marre d’Iggy Pop, ouais, ça lui arrive, et peut être bien de plus en plus au fur et à mesure que les rides se creusent dans sa chair… quand l’Iguane est tout seul, quand « le magasin est fermé » dixit lui-même, il ne reste que James : et ça donne Avenue B. Dans ce disque, c’est à une sorte d’autoportrait auquel James Newel s’adonne, un autoportrait fébrile et appuyé en même temps, intérieurement nerveux et tendu, doux et serein – contradictoire sans doute, avec toute la difficulté que comporte cet exercice délicat. Un autoportrait cru, façon Egon Schiele. James parle de James, il parle d’Iggy, aussi, et il parle de tout et de rien. La clé de ce disque est dans sa pochette : identité. Vérité. Y’a du lard et du cochon dans cet album, et c’est ça qui est bon. Perso, je pense que c’est pour celui-ci et aucun autre dans la carrière du bonhomme que j’éprouve la tendresse la plus particulière… Après une intro phrasée violon à l’appui (l’un des trois interludes de ce type présents sur le disque) dans laquelle James nous donne les raisons qui l’ont poussé à ce processus douloureux - à moins qu’il ne se les donne à lui-même - quelque chose de magique intervient : « Nazi Girlfriend », ballade caricaturale et magnifique dont on ne sait trop s’il faut en rire ou en pleurer. Délicate, conne, vraie, fausse, cul-cul, touchante, déchirante, peu importe… la sérénité macabre de ce titre et sa profonde mélancolie sont à vous vriller le cœur. Passé ce climax, James se donne, par petites pincées, sans exagérer, sans trop surprendre non plus. Avec sobriété et élégance, et une grande fragilité. Des airs de vieille bossa nova décharnée nous parviennent (« Avenue B »), quelques lignes vraiment malades au parfum de calme post-éthylique et de vieux mégots (« Long Distance », faussement serein, ou ce « Miss Argentina » au refrain maladroit et touchant, qui me rappelle un peu les ballades poussiéreuses du père Waits), avec, toujours, ces percussions métissées, jazzy ou rock, carrément afro par instants, et puis cet accompagnement discret, voire lointain (une guitare sèche, un violon, un orgue sixties qui pose ses petites notes l’air de rien), qui laisse s’exprimer la voix adoucie de l’Iguane, ronde et chaude. Ambiance feutrée pour récit intime, avec ses maladresses délicieuses, ces fébrilités, ces fausses notes vocales, comme si l’homme se découvrait enfin sous sa peau ridée, creusant les sillons imprimés dans son visage pour mettre à jour ce qu’il a à l’intérieur : tendresse, mal être, faiblesses, humour tordu aussi (« Español », un délire un brin chtarbé, avec refrain culte à la clé), et puis il n’a pas peur de rappeler les vieux souvenirs stoogiens (« Corruption », accrocheuse à mort, ou « Shakin’ All Over » la bien nommée), s’atteler à une folk dépouillée (« Motorcycle ») ou de se plonger tout entier dans une tourbe étrange sur le crapuleux « I Felt The Luxury », dans lequel les instruments semblent mimer les mouvements d’un ivrogne, à tanguer sans arrêt… Ce disque est celui de James Newel, voilà… Il ne sait pas sur quel pied danser, mais il danse quand même, il chante aussi, beaucoup, en crooner un peu vicelard, tendre mais un peu amer quand même… il a ses moments de monotonie, ses moments de beauté nonchalante. C’est juste un album maladroit mais touchant, rien de plus rien de moins ; le seul disque d’Iggy Pop qui cherche vraiment à fuir le personnage – plus encore que « Zombie Birdhouse » qui tient davantage de l’exercice de style… ici on est ailleurs, dans la piaule du lézard, sur ses genoux, et il nous raconte des histoires… Je me sens proche de l’état d’esprit de ce disque mal aimé, qui ressemble à la plus belle chose qui soit : un regard intime. La confession d’un mec qui ne voulait pas s’enfermer dans sa schizophrénie théâtrale. Un aveu, aussi, et pis des confidences à l’oreille avertie… une mise à nu quoi. Iggy Pop a toujours eu l’habitude de se désaper physiquement parlant, n’est-ce pas ? Mais même à poil, il restait habillé. Voici ce à quoi ressemble l’Iguane quand il est vraiment tout nu. C'est laid. Et je sais pas pour vous, mais moi, je trouve ça beau.

note       Publiée le samedi 24 novembre 2007

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Note moyenne        15 votes

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born to gulo Envoyez un message privé àborn to gulo

Allez, si y en a un en plus de The Idiot et PPD qui vaut le 6 : c'est lui.

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Nicko Envoyez un message privé àNicko
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pas mal du tout, calme et bien foutu. Les compos sont prenantes, un bon album de l'iguane

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GrahamBondSwing Envoyez un message privé àGrahamBondSwing

Première écoute hier, re-écouté aujourd'hui... Ouais, c'est la grosse déprime ce disque : l'album du divorce, l'album de la crise de la cinquantaine. Un sévère 1,5/5 sur Allmusic ! Aïe... Produit par Don Was, pas bon non plus ça... Jolie chronique au passage, mais je ne vais certainement jamais le ressortir de son boîtier.

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Rastignac Envoyez un message privé àRastignac
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Non, parce que de cochon. Celui-là, je me fais attraper au début, le côté crooner déprimé, ok, et puis le disque m'énerve au bout de quelques pistes, surtout à partir de la reprise de Shaking all over...

saïmone Envoyez un message privé àsaïmone
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de ch'val ?

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