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Trilogie Yirminadingrad, de Léo Henry et Jacques Mucchielli

par Saïmone › samedi 18 mai 2013


Style(s) : indus / ovni inclassable

Alors comme ça vous vouliez du sombre et de l’expérimental ? Bouges pas, ils arrivent.

Léo Henry et Jacques Mucchielli. Duo d'écrivains au service de la boue et du béton. Au service d'une ville : Yirminadingrad. Quelque part dans l'Est. Quelque part.

Trois recueils de nouvelles. Où on ne sait pas qui écrit quoi. C'est le jeu. Et du jeu, vous allez en avoir. Handicaps narratifs, règles obscures, contraintes diverses. C'est souvent génial, parfois étrange, rarement imbuvable. À Yirminadingrad, il suffit pas de s'asseoir. Faut prendre son temps, et pas forcément se laisser guider comme un imbécile. Il faut ne pas se laisser submerger. Pas toujours. Savoir s'accrocher. Accepter de ne rien comprendre, accepter de prendre des claques.

La plume des deux auteurs est fantastique. Profonde, léchée, dodue. Abrupte, aussi. Hargneuse, mordante. Mélancolique, sensible, douce. Brutale. Le mot de « poétique » est parfois prononcé, en murmure. Bien souvent, on ne sait plus où on se trouve. Les mots sont inhabituels. L'ordre des mots encore plus. La façon de parler n'est pas d'ici. Du pays de chez Volodine – ou Lutz Bassmann, ou un autre encore. Un type parlait de Philip K. Dick et Baudelaire à Sarajevo.

Des histoires de ces trois recueils, il y en a. Beaucoup. Des habitants, des exilés, des immigrés. Des amoureux malsains, des mafieux ésotériques, des ouvriers paumés, des enfants psychotiques, des businessmans désœuvrés, des touristes acharnés, des religieux éperdus. Des histoires géographiques, de béton, du froid et des usines. Des histoires historiques, de guerres lasses, de génocides oubliés. Des histoires humaines, de trahison, de filiation, de désespoir.

Noir, c'est gris. La réalité se tord, la réalité n'est plus aussi solide, la réalité est un piège. Futur monde potentiel, passé inassouvi, présent alternatif ? Impossible de savoir. Yirminadingrad n'est plus de notre monde, et pourtant... La subjectivité n'est jamais acquise. 
Le guide est mort dans un accident vasculaire.

Yirminadingrad nous laissera orphelins. C'est à la fois tant mieux, et tant pis. Un projet avec d'autres auteurs verra sans doute le jour, un projet à fouiller les cendres de la ville. Déjà, Kloetzer faisait un featuring sur Tadjélé. Même votre serviteur y est allé de sa bafouille (ici – il se passe toujours quelque chose avec Yirminadingrad). Cette ville est une infection. Toxique.

Le coup de grâce, ce sont les illustrations de Stéphane Perger, qui parsèment les deux derniers tomes. Histoire d'être sûr de savoir où tu n'es plus.

Qui a dit que les histoires devaient forcément se résoudre ?

Tout ça se choppe chez Dystopia Workshop.

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Dernière mise à jour du document : samedi 18 mai 2013

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