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Féeries pour les ténèbres, de Jérôme Noirez

par Saïmone › dimanche 12 janvier 2014


Style(s) : ovni inclassable

Vous aviez rêvé de l'improbable rencontre entre Gae Bolg et Mr Bungle ?

J'ai déjà parlé de Jérôme Noirez ici, pour son formidable 120 journées (le plus grand livre de 2012). Le Belial', ce sympathique éditeur, s'est amusé à réunir le cycle de jeunesse de Jérôme (je peux t'appeler Jérôme ?) au deux énormes tomes à la couverture qui déboîte (Aurélien Police représente).

Féeries pour les ténèbres, donc. Je sais les gutsiens fans de Céline, pourtant il n'en est rien. Plutôt du Rabelais. Je cite l'auteur : « depuis la mort de Rabelais ma culture m'emmerdre ». Alors du Rabelais à la moulinette.

Féeries prend place simultanément dans notre monde et dans un autre. La Technole, ce résidu de modernité, avec ses objets, jaillit dans un moyen-âge tiré d'un conte pour enfant. Fruit de cet accouplement contre nature, un monstre, Charnaille (quelle magnifique trouvaille phonétique), amas de chair dégueulasse, fusion de corps diverses.

Le monde de Féeries est craqué de monstres amputés, de magiciens sveltes, de pirate aux gros seins. Les enfants sont cruels, les inspecteurs sont vieux et idiots, les musiciens perdent la tête. Les méchants sont vraiment méchants, comme les sorcières. Les os sont en plastiques, les ventres en polystyrènes. C'est grandiloquent, grotesque, baroque, épique. Entre le conte pour enfant dans ce qu'il a de plus flippant, et le livre pour adulte dans ce qu'il a de brutal.

Comme on le sait désormais, avec Noirez tout est une question de langage. De jeux de mots, d'équivoque. Ainsi, les magiciens vertigent. Les couleurs sont charcutières. On regrettera quand même quelques erreurs de jeunesse, comme cet humour burlesque trop souligné, ces formulations tirées par les cheveux, l'attrait pour la digression mal contrôlée, ou ces tics de micro-punchlines à chaque fin de paragraphe.

Trois romans, plus quelques nouvelles. Tout se vaut. J'admets une préférence pour l'entame du second roman, absolument magistrale, qui aurait largement eu sa place dans son formidable recueil de nouvelles « Diapason des mots et des misères » - la forme courte était le domaine le plus maîtrisé de Noirez, car plus concis (c'est en tout cas là où je le préfère).

Vous n'avez jamais rien lu de pareil.

Au belial', deux tomes.

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Dernière mise à jour du document : lundi 13 janvier 2014

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